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Plusieurs arbitres de Ligue 1 et de Ligue 2 ont dirigé des matchs aller et retour avec les mêmes équipes cette saison. Une situation intenable qui traduit de graves dysfonctionnements dans le mode de désignation de la Direction Technique de l'arbitrage.

Benoit Bastien (source photo : www.lequipe.fr)

Le climat qui entoure les matchs de Ligue 1 et Ligue 2 depuis plusieurs semaines n'a jamais été aussi délétère. Enfermés semaine après semaine à Clairefontaine, les arbitres de Ligue 1 se retrouvent aujourd'hui dans une bulle cautionnée par les instances fédérales. Depuis plusieurs semaines, la gestion des désignations de la Direction Technique de l'arbitrage est mise à mal par certains dirigeants de clubs dont Jean-Michel Aulas. Le président de l'OL et membre du Comité exécutif de la FFF avait regretté le choix de la DTA de confier le Bordeaux/Lyon comptant pour la 23ème journée de Ligue 1 à François Letexier. L'arbitre breton avait accordé un pénalty imaginaire aux bordelais après s'être fait abuser par une grossière simulation de Malcom. Quatre jours plutôt, la commission de discipline de la LFP décidait de ne pas sanctionner le lyonnais Mariano qui avait fait l'objet d'un rapport complémentaire de...François Letexier, qui dirigeait Toulouse/Lyon en décembre dernier et au cours duquel un pénalty très généreux avait été accordé aux lyonnais. Après le match à Bordeaux, Jean-Michel Aulas avait expliqué que "compte tenu de l’affaire Mariano, c’était une mauvaise idée de le nommer, ça le mettait dans une situation psychologique extrêmement fragile. La Direction Technique de l’arbitrage est grandement responsable". Un message adressé directement à Pascal Garibian, le Directeur Technique de l'arbitrage dont les méthodes sont vivement contestées parmi plusieurs présidents de clubs de Ligue 1. Comment expliquer également que Karim Abed, pourtant international depuis le 1er janvier, n'ait arbitré qu'une seule fois l'Olympique Lyonnais depuis ses débuts en Ligue 1 en août 2016 ? Le principe de neutralité n'est plus respecté non plus depuis la fusion des Ligues régionales. Lors de Tours/Metz en 16ème de finale de coupe de France, l'alsacien Frank Schneider a été remplacé...le jour du match par Karim Abed suite à l'intervention d'un dirigeant d'un club. Plus récemment, suite à de graves incidents lors de la réception d'Orléans en janvier, l'AC. Ajaccio a sollicité auprès de la DTA des arbitres de Ligue 1 pour les matchs restant à disputer à domicile d'ici la fin de saison. Une demande acceptée par les dirigeants de l'arbitrage qui ont désigné Benoit Millot et Mikael Lesage sur les deux dernières rencontres à domicile du club corse face à Lorient et Sochaux. Karim Abed dirigera Ajaccio/Quevilly-Rouen dans dix jours. Ce qui veut dire que la Direction de l'arbitrage cède face au chantage de certains clubs et n'a plus confiance en ses arbitres de Ligue 2.

"Pour travailler sur les désignations, il faut être irréprochable, insensible au copinage"

Lorsque Marc Batta était le directeur national de l'arbitrage (2004/2013), ce dernier ne souhaitait pas que Bertrand Layec, le manager des arbitres de Ligue 1 intervienne dans les désignations hormis sur les finales de coupes nationales. "Il faut protéger les arbitres de certains clubs. Avec Marc Batta, nous avions des rapports permanents, la confiance était mutuelle. Pour travailler sur les désignations, il faut être irréprochable, insensible au copinage. Ce n'est pas le cas actuellement. La personne chargée de désigner les arbitres veut arranger tout le monde. Certains arbitres sont traités différemment des autres", explique cet ancien de la Fédération.

Trois matchs en quatre jours !

Clément Turpin (source photo : www.leparisien.fr)

Dernière perle de la Direction Technique de l'arbitrage, désigner un arbitre sur trois rencontres en quatre jours. L'arbitre concerné est Clément Turpin. Il sera ce mercredi soir au Parc des Princes pour PSG/OM en 1/4 de finale de la coupe de France. Jeudi soir lors de Caen/Lyon toujours en coupe de France, Turpin fera office d'arbitre assistant vidéo auprès d'Antony Gautier. Il ralliera Clairefontaine vendredi pour un rassemblement des arbitres élites de Ligue 1 et prendra la direction d'Angers vendredi soir pour le match de samedi. Un rythme infernal. Il y a deux semaines déjà, la DTA avait désigné Turpin sur Nice/Nantes, le dimanche 18 février soit trois jours avant son 1/8ème de finale de Ligue des Champions entre Séville et Manchester United. "Le problème depuis l'arrivée de Garibian, est que chacun souhaite s'immiscer dans les désignations. La CFA souhaite également avoir un droit de regard, notamment par l'intermédiaire de son vice-président, l'éminence grise de Garibian. Les choses sont simples aujourd'hui : Layec décide, Garibian approuve", note l'ancien homme en noir. Une "réunion stratégique" en présence du pôle désignations, des managers et du Directeur technique de l'arbitrage a lieu chaque semaine. La DTA valide ensuite et transmet à la Commission Fédérale d'arbitrage avant publication. "Il faut tenir compte du niveau de l'arbitre, sa forme du moment, sa situation géographique, l'équilibre entre arbitres, les difficultés du match. Il n'est pas interdit dans les textes de désigner un arbitre sur un match aller et retour mais cela doit arriver très rarement. La condition est que le match aller se soit bien passé aussi", détaille notre intervenant.

Il y a quelques jours, Benoit Bastien se voyait désigné sur le match retour entre Monaco et Lyon alors qu'il avait dirigé l'aller. Le lorrain s'en est plutôt bien sorti sur ces deux matchs mais la gestion de la DTA est irresponsable. Johan Hamel s'est retrouvé dans la même situation récemment. Après avoir arbitré PSG/Lille le 8 décembre dernier, il était désigné sur le retour en l'espace de quelques semaines d'intervalle seulement. A chaque fois, le score final était influencé par une décision arbitrale erronée en défaveur du LOSC. A l'aller, un but d'Angel Di Maria entaché d'une position de hors-jeu est accordé au PSG. Au retour, le PSG ouvre le score juste avant la mi-temps alors qu'une position illicite d'Edinson Cavani n'était pas signalée. A l'occasion de la 26ème journée de Ligue 1, Olivier Thual a retrouvé le FC. Metz qu'il venait à peine d'arbitrer à Marseille deux journées plutôt. Or, comme le stipule un document diffusé aux clubs professionnels lors de la saison dernière, "un délai de quatre journées est nécessaire avant de réarbitrer les mêmes clubs". Lors de ses deux premiers matchs de la saison en cours, Benoit Bastien a croisé le club de Dijon alors que des situations litigieuses avaient émaillé la rencontre entre l'OM et Dijon (1ère journée) qu'il avait arbitré. Le match suivant entre Dijon et St-Etienne avait été marqué par un pénalty accordé aux stéphanois alors que la faute du dijonnais Chafik sur Jonathan Bamba avait été commise en dehors de la surface de réparation. Jérôme Brisard aussi a été l'arbitre du même match à deux reprises. Lors de la 17ème journée, l'arbitre mayennais dirigeait Bordeaux/Strasbourg avant de retrouver les deux formations sept journées plus tard et d'oublier un pénalty pour les strasbourgeois lors de la réception des Girondins. Autre fait surprenant, contrairement à certains arbitres, Benoit Bastien, blessé durant un mois entre la mi-décembre et fin janvier, n'a pas eu l'occasion de reprendre la compétition par un match de Ligue 2 comme le prévoit les directives de la DTA. L'arbitre vosgien avait été désigné sur le match Toulouse (19ème)/Troyes (15ème).

Plusieurs exemples qui mettent à mal le mode de désignation de la Direction Technique de l'arbitrage

Il y a quinze jours, l'AJ. Auxerre accueillait Nîmes en match de clôture de la 25ème journée de Ligue 2. Là encore, la DTA a fait très fort en désignant Aurélien Petit sur une rencontre dont il avait arbitré le match aller avec l'expulsion très contestable du bourguignon Tacalfred. Au retour, l'arbitre rhodanien a fait mieux en expulsant l'auxerrois Birama Touré pour une faute imaginaire. Le bilan de l'AJA avec Aurélien Petit établi par le quotidien régional L'Yonne Républicaine est largement défavorable au club icaunais qui, depuis 2015 a vu cinq de ses joueurs être expulsés et concédé trois penalties. "Beaucoup ont critiqué les méthodes de Marc Batta mais il avait le mérite de fonctionner de façon beaucoup plus transparente que les dirigeants actuels", note l'ancien sifflet.

Les esprits s'échauffent lors d'Auxerre/Nîmes (source photo : www.lyonne.fr)

Lionel SCHNEIDER