arbitrage57

Pour la deuxième année consécutive, l'arbitrage français a encore brillé par son absence lors de la seconde partie de Ligue des Champions. De nombreuses polémiques ont encore alimenté la chronique cette saison en Ligue 1 et les dirigeants de l’arbitrage pratiquent la politique de l’autruche comme en témoigne le classement des arbitres de Ligue 1 dévoilé hier. Décryptage.

Clément Turpin (source photo : www.20minutes.fr)

"La confiance revient à l'international dans la capacité des arbitres Français à préformer au plus haut niveau." Cette déclaration est signée Éric Borghini, le président de la commission fédérale des arbitres faisant référence à la désignation de Benoit Millot sur une rencontre du championnat saoudien entre Al Taawon et Hajer, soit le 4ème contre le 14ème et dernier au mois d’avril. On se console comme on peut. A titre d'exemple, Félix Brych, l'arbitre allemand fût désigné cette saison sur le match au sommet du championnat entre Al-Ahli, leader et Al-Hilal, son dauphin. L'arbitrage français a-t-il véritablement disparu de l'échiquier international ? 

Buquet, le Poulidor de l’arbitrage ?

  Ruddy Buquet (source photo : www.metronews.fr)

Pour retrouver la trace d'un français dans le dernier carré de la Ligue des Champions, il faut remonter à la saison 2005/2006. Alain Sars avait été désigné sur la 1/2 finale entre le Milan AC et Barcelone. Depuis, plus rien ou presque. Les arbitres tricolores se contentent désormais d'un 1/8ème voire d'un 1/4 de finale. Mais depuis deux saisons, les français ne sont même plus appelés à diriger un 1/8^ème de finale. La Direction Technique de l’arbitrage est-elle en train de commettre à nouveau les erreurs du passé ? Ruddy Buquet est international depuis 2011. Sa côte en Ligue 1 est élevée mais la DTA lui préfère Clément Turpin. Les adhérents du SAFE (arbitres centraux L1/L2 et centraux de National) ont élu Buquet meilleur arbitre pour la troisième année consécutive sans que cela n’interpelle la DTA. « Il y a un vrai décalage qui reflète un manque de transparence et de cohérence. Le milieu a conservé ce côté clanique. », note Éric Champel, journaliste à France Football. L’arbitre amiénois, a cette saison encore été sollicité sur les grands rendez-vous du championnat. Sans faire de bruit, Buquet a rendu une copie propre lors de ces rencontres (Marseille-Lyon, PSG-Lyon, Marseille-PSG, Lyon-Monaco). Mais il n’entre pas dans les failles du « système ». Turpin retenu pour l’Euro, Buquet pouvait légitimement prétendre à aller aux Jeux Olympiques de Rio en août.

Mais la FIFA lui a encore préféré l’arbitre bourguignon. Buquet marche-t-il sur les traces d’Alain Sars ? Toujours bien placé, jamais vainqueur ? En avançant dans le temps, on commence fortement à y croire. A l’international aussi, celui qui a été élu meilleur arbitre de Ligue 1 pour la troisième année consécutive (avec 70% des suffrages) a fait le job comme lors du Mondial U17 au Chili où il a dirigé un ¼ de finale (Equateur-Mexique) et où il était prévu d’arbitrer la finale. Mais depuis longtemps, les français ont disparu des commissions d’arbitrage de la FIFA et Buquet l’a payé au Chili contrairement à Michael Oliver désigné sur la finale, qui pouvait compter sur le lobbying de Mike Riley, membre de la commission d’arbitrage de la FIFA. En Ligue des Champions également, les prestations de l’arbitre picard ont été efficaces et de qualité. Apprécié parmi ses collègues en Ligue 1 comme par les joueurs et entraîneurs, Ruddy Buquet se détache aujourd’hui comme le numéro 1 de l’arbitrage tricolore. « Les classements qui vont paraître le 25 mai ne reflètent pas la réalité. Certains n’ont pas les yeux clairs », nous a glissé un arbitre de Ligue 1 samedi lors de la table ronde organisée par le SAFE. Buquet attend désormais la publication des prochaines listes UEFA et espère intégrer le groupe élite en juillet prochain. Ce ne serait que justice.

Ligue des Champions : le néant depuis dix ans…

Réforme de la professionnalisation : la dernière chance ?

Professionnalisme. C’est un terme à la mode paraît-il ces derniers temps. Sous l’impulsion du SAFE, le Syndicat des arbitres du football d’élite, les instances du football français (FFF et LFP) souhaitent professionnaliser  les 21 arbitres de Ligue 1 d’ici juillet 2018. Mais cette petite révolution n’est pas du goût de certains arbitres comme Antony Gautier, qui a refusé de passer professionnel. Maître de conférences à l’Université de Lille, le nordiste est bien installé professionnellement également avec son mandat d’adjoint aux sports à la mairie de Lille. Clément Turpin et Benoit Bastien ont eux aussi fait savoir à leur hiérarchie qu’ils ne comptaient pas s’engager (pour l’instant) dans cette nouvelle direction. Ces deux arbitres, par ailleurs conseillers techniques en arbitrage respectivement en Ligue de Bourgogne et de Lorraine devront-ils quitter leur poste afin de se consacrer totalement à l’arbitrage ? Jean-Michel Larqué qui préside le District des Pyrénées-Atlantiques depuis 2006 est surpris « qu’un arbitre de Ligue 1 puisse concilier son activité arbitrale et sa fonction de CTRA (Conseiller Technique en arbitrage). C’est un cas unique en France. Les membres des équipes techniques régionales des Ligues ne sont pas autorisés à entraîner un club à côté de leur job. » Les arbitres de plus de 41 ans ont eux, été exclus de cette réforme en raison de leur âge. Les Tony Chapron, Stéphane Lannoy et autres Fredy Fautrel ne bénéficieront pas de cette réforme.  Jean-Marc Furlan, présent samedi dernier au débat organisé par le SAFE, souhaitait voir les « anciens » perdurer en Ligue 1. Si la réforme de la professionnalisation voit le jour, la CFA prévoit de faire passer les dix premiers arbitres au classement. Seuls six arbitres sur les dix remplissent les critères demandés par les instances à savoir Turpin, Buquet, Bastien, Millot, Rainville et Schneider sachant qu’Antony Gautier, qui n’hésite pas à prendre la parole lors des rassemblements, a annoncé qu’il ne passerait pas professionnel. Il faudra donc aller puiser dans la seconde partie de tableau.

Le SAFE écarté

Dans un courrier adressé récemment à l’ensemble des adhérents du SAFE, Olivier Lamarre, le président du syndicat qui n’a pas été convié à la conférence de presse conjointe LFP-DTA le mardi 19 avril dernier, s’est montré offensif en regrettant que le « SAFE n’est pas été invité à cette annonce et déplore ce mode de fonctionnement et de communication qui tend à déconsidérer le travail du SAFE. » Ce projet, présenté par le syndicat à la presse en janvier dernier est un vaste chantier et les responsable de l’arbitrage travaillent dans la précipitation. Plusieurs arbitres, lors de la 35^ème journée de Ligue 1, à la veille ou le jour de match, ont été contactés par la DTA afin qu’ils disent si, oui ou non ils adhèrent au projet. Sans véritable garantie pour le moment, de nombreux arbitres sont dans l’interrogation quant aux volets financiers et sociaux. Dans un courrier conjoint de la CFA-DTA, Éric Borghini, le président de la CFA explique que tous les arbitres de Ligue 1 (centraux et assistants) devront être professionnels au 1^er juillet 2018, sous peine d’être rétrogradés en Ligue 2 ou d’être remis à disposition de leur ligue régionale.  

Autre sujet de préoccupation : le manque de salariés au sein de la DTA. Le SAFE, lors de la présentation de son projet en début d’année demandait le renforcement de l’équipe d’encadrement des arbitres. Un seul préparateur physique actuellement pour près de 90 arbitres. Et le constat est accablant : de nombreux arbitres se sont blessés en cours de saison en Ligue 1 et Ligue 2. En passant de 17,7 de VMA (Vitesse Maximale aérobie) à 18,2 à partir de la saison prochaine, le message est clair. Transformés en véritables marathoniens, l’idée est désormais d’écarter les vieux routiers de la Ligue 1 (Chapron, Lannoy, Jaffredo,…) et faire la promotion de jeunes arbitres inexpérimentés à l’image de la promotion en Ligue 1 de Karim Abed qui a vécu une saison agitée en Ligue 2. Les tests physiques du mois de décembre prochain risquent de réduire sensiblement l’effectif des arbitres du championnat. La limite d’âge, 45 ans par le passé ayant été abrogée, les « quadras » se réservent le droit de faire durer le plaisir au grand désarroi de leur direction. Stéphane Lannoy va ainsi prolonger son séjour en Ligue 1 tout comme Lionel Jaffredo la saison prochaine.

Turpin, plus belle la vie

Clément Turpin (source photo : www.rmcsports.bfmtv.com)

« Un retour trente ans en arrière »

Pour la deuxième année consécutive, Clément Turpin arrive en tête du classement des arbitres de Ligue 1. Peu exposé cette saison sur les pelouses de l’Hexagone (pas de classico notamment), l’arbitre bourguignon, numéro 1 par défaut comme l'ont été les Poulat, Layec et Lannoy, n’a été désigné qu’à deux reprises sur deux affiches concernant des équipes du top 5. Avec seulement 18 rencontres dirigées en Ligue 1, Turpin est loin derrière ses collègues des championnats étrangers (30 pour Clattenburg, 22 pour Brych, 29 pour Atkinson). Ses prestations ont souvent fait l’objet, en Ligue 1 comme en Ligue des Champions de critiques répétées comme lors de Mönchengladbach-Manchester City ou encore Porto-Tel Aviv. Il ne franchira pas le premier tour. Frédéric Cano et Nicolas Danos, ses deux assistants ne sont même pas classés comme l’indiquait le procès-verbal de la Commission Fédérale des arbitres (CFA) lors de sa réunion du 30 janvier 2016 ( Voir le PV)…  « Ce que l’on constate actuellement avec les classements de la DTA nous fait revenir 30 ans en arrière. On peut donc tout remettre en cause et notamment la façon archaïque de noter les arbitres et les assistants sans contrôle spécifique si ce n’est par la vidéo » note Jean-Philippe Izzo, ex arbitre assistant FIFA et poursuit : « j’espère qu’il s’agit d’une erreur informatique car sinon ce serait du jamais vu et cela pourrait prêter à n’importe quelle interprétation. » Comment expliquer alors que Clément Turpin soit lui classé ? La DTA n’a même pas daigné répondre à notre sollicitation. On peut penser que cette dernière ait voulu éviter de classer Ruddy Buquet sur la première marche du podium.

Où sont les arbitres de demain ?

 Lionel Jaffredo, valeur sûre de la Ligue 1 (source photo : www.leparisien.fr)

Le classement publié hier par la Commission Fédérale des arbitres (CFA) peut susciter quelques interrogations. Le lorrain Benoit Bastien décroche la troisième place après une saison en dent de scie. Ses décisions arbitrales ont suscité des réactions notamment lors de Lyon-Bastia ou encore Lille-Lyon (12 avertissements et deux expulsions, un record cette saison). Antony Gautier finit lui quatrième après un terrible Lyon-Marseille en janvier dernier qui restera dans les mémoires. Au niveau international, l’arbitre lillois a disparu des radars (convoqué une seule fois cette saison en Europa League lors du 3^ème tour préliminaire. Ses deux assistants, Mickaël Annonier (deuxième meilleur assistant la saison passée) et Philippe Jeanne terminent respectivement 14^ème et 21^ème sur les 27 assistants de Ligue 1…mais devraient conserver leur écusson FIFA. « Concernant le trio Gautier, il est surprenant que ses assistants puissent garder leur écusson. Encore une fois, c’est le flou artistique le plus total à la lecture de ce classement et sur ses conséquences. On voit bien qu’il devient de plus en plus urgent que le président de la FFF retire les clés de l’arbitrage national à tant d’incompétents. A la veille de la professionnalisation, c’est de pire en pire ! », constate Jean-Philippe Izzo. En regardant le classement des assistants Fédéraux 1, on s’aperçoit là aussi de certaines anomalies comme la cinquième place d’Alexandre Viala, l’assistant de Tony Chapron, pas loin de descendre l’an dernier (26^ème sur 33) tout comme Tugdual Philippe (3^ème cette saison, 16^ème l’an passé).  

Le classement des arbitres Fédéraux 1

Le classement des arbitres assistants Fédéraux 1

Parmi les trentenaires (Millot, Rainville, Schneider), on attend toujours leur éclosion au plus haut niveau. L’UEFA elle, ne les sollicite que très rarement sur la scène européenne (Youth League et 2^ème tour d’Europa League). Les débuts de François Letexier, plus jeune directeur de jeu ont été difficiles.  Que penser de la 12^ème place de Stéphane Lannoy, numéro un de l’arbitrage tricolore il y a encore deux saisons (présent au Mondial 2010 et à l’Euro 2012) ? Lionel Jaffredo, auteur d’une saison remarquable n’apparaît qu’à la 10^ème place. Désigné sur les affiches du championnat (Nice-Monaco, Bastia-PSG, St-Etienne-PSG, Lyon-PSG, Bastia-Marseille ou encore Lyon-Nice), le vannetais est avec Ruddy Buquet, l’un des rares arbitres à faire l’unanimité sur les pelouses de France. Que dire du maintien de Varela, qui aura droit à une sixième saison consécutive dans l’élite après pourtant une saison catastrophique (St-Etienne-Nice, Marseille-Montpellier notamment) ? Jean-Philippe Izzo donne un début de piste : « Deux hypothèses possibles : où le niveau des relégués est vraiment très faible où Varela est hyper protégé ... ». A vous de juger. Le basque Jérôme Miguelgorry évite de justesse la descente alors que sa première saison en Ligue 1 aura été encourageante. Hakim Ben El Hadj, promu en juillet dernier aura effectué un cours passage en Ligue 1. Irrégulier dans ses performances, le Reims-Rennes et le Nantes-Toulouse auront coûté cher à l’arbitre rhodanien. Stéphane Jochem l’accompagne en Ligue 2.  

« Recruter des personnalités » suggérait Pascal Praud, dans une chronique en octobre 2014. Problème, en France, on coupe la tête qui dépasse. Les Quiniou, Vautrot, Wurtz ont été évincés. Leur liberté de ton, leur aura et leur sympathie auprès du public ont fait des jaloux. Personne ne les a oubliés. Inutile de refaire le passé. Espérons que les élections de la FFF qui auront lieu en mars 2017 permettront de faire évoluer ce milieu qui n’avance pas depuis plus d’une décennie. En attendant, la mascarade continue.

Ligue 2 : Stinat rétrogradé en National

Auteur d’une belle saison en Ligue 2, Jérémy Stinat, ancien footballeur professionnel passé par Laval, Grenoble et Sedan notamment a été prié de retourner en National, un an seulement après avoir été promu en Ligue 2 et terminé major des arbitres de National l’an passé. Cette décision confirme une nouvelle fois que les joueurs devenus arbitres ne sont pas acceptés dans le milieu. « Je pense que c’est très dur pour un ex pro d’arbitrer ses ex coéquipiers ou adversaires. Cela doit se sentir dans ses prestations. Je ne vois que cette hypothèse pour expliquer sa rétrogradation», explique Jean-Philippe Izzo.

Classement des arbitres Fédéraux 2

Classement des arbitres assistants Fédéraux 2

Léonard reste encore à quai

Comme la saison dernière, Thomas Léonard s’apprête à vivre une troisième saison consécutive en Ligue 2. Classé troisième, Léonard aurait pu espérer accéder en Ligue 1 si Stéphane Lannoy ou Lionel Jaffredo avaient mis un terme à leur carrière. L’an passé déjà, la DTA l’avait classé 5^ème alors que les quatre premiers étaient promus en Ligue 1. L'arbitre thionvillois paierait-il encore ses interventions dans les médias lors de la grève des arbitres en 2011 ? Situation identique pour Mohamed Benkemouche : cinquième cette saison et l’an passé mais seuls quatre assistants accèdent en Première Division.

 Un arbitre assistant blessé mais rétrogradé en National !

Yann Thénard (photo ci-dessous), arbitre assistant Fédéral 2 depuis juillet 2014 a fini dernier des assistants de Ligue 2 alors qu’il était arrêté depuis la fin du mois de février. Mais les responsables de l’arbitrage ont décidé de ne pas neutraliser sa saison et l’ont carrément fait descendre en National. Le traitement n’a pas été identique pour tous. Hamid Guenaoui, fédéral 2 depuis 2014 a vu sa saison gelée pour la deuxième saison consécutive.

 Clap de fin pour Biguet et Rideau

Gérard Biguet et Jean-Louis Rideau, deux observateurs de la Direction Technique de l’arbitrage vont mettre un terme à leurs fonctions comme les y oblige les textes de la FFF qui imposent une limite d’âge (70 ans). Biguet, arbitre de la finale des Jeux Olympiques en 1988 et de deux finales de Coupe de France (1985 et 1990) contrôlait en Ligue 1 depuis 2001. Rideau lui, avait rejoint le corps des observateurs à la fin des années 90. On se souviendra notamment du match Bordeaux-Lyon en 2005 où il était chargé d’évaluer la prestation de Bruno Derrien. Suspendu un mois à la suite de cette affaire qui avait secoué le milieu de l’arbitrage, Rideau avait été réintégré parmi les contrôleurs de Première Division. Cette saison, la DTA l’a même désigné comme observateur de la prestation de Ruddy Buquet lors d’OM-PSG…

Lionel SCHNEIDER