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La liste des arbitres retenus pour diriger les matchs de l’Euro 2016 qui aura lieu en France sera dévoilée à la mi-décembre. Les responsables de l’arbitrage français redoutent une nouvelle fois le pire. Décryptage.

Le Championnat d’Europe des Nations se tiendra en France du 10 juin au 10 juillet 2016. Etat des lieux de la maison arbitrage, plus de deux ans après la réforme votée par la FFF, qui a accouché d’une souris.

Un premier bilan deux ans après l’adoption de la réforme de l’arbitrage

Le 22 juin 2013, la réforme de l’arbitrage était adoptée à une large majorité (85 %) par l’assemblée fédérale. « Nous avons obtenu des résultats sensiblement meilleurs que nos prédécesseurs » déclarait très récemment Eric Borghini, le président de la CFA (Commission Fédérale des arbitres). « Je n’en ai pas l’impression », rétorque Frédéric Arnault, ex arbitre assistant international, présent lors de la ½ finale du Mondial 2002 Allemagne-Corée du Sud. « Sous Batta, l’arbitrage français fût représenté aux Coupes du Monde 2006 et 2010 et à l’Euro 2012. Sous Garibian, la France a été absente du Mondial 2014. Comment Éric Borghini peut-il avancer cela ? » s’étonne celui qui fût le fidèle compagnon de route de Gilles Veissière. Depuis le retrait des terrains de ce dernier, l’arbitrage tricolore souffre toujours d’un déficit de représentation sur la scène internationale. Un évènement a toutefois eu lieu récemment. Le 4 novembre dernier, Pascal Garibian, le Directeur Technique de l’arbitrage connaissait sa première désignation en tant qu’observateur de l’UEFA sur le match Lyon-Zénit comptant pour…la Youth League, la Ligue des Champions junior. « Comment un directeur technique de l’arbitrage peut-il s’abaisser à ce point ? » entend-on chez les arbitres.

Raphaël Raymond, rédacteur en chef du journal L’Equipe qui suit l’actualité des arbitres pour le quotidien sportif juge le bilan du duo Borghini-Garibian honorable jusqu’ici. « On ne peut pas les placer tous les deux sur le même plan. Borghini est un bénévole, qui dit les choses et connaît ses dossiers. Il n’est pas arrivé avec le costume de Merlin l’Enchanteur ou avec une baguette magique. Garibian est lui salarié de la FFF. » Qu’en est-il des relations entre les arbitres et les différents acteurs sur les terrains ? « Elles sont meilleures. L’arbitrage français a globalement restauré une partie de sa crédibilité auprès des joueurs et entraîneurs qui s’accordent à dire que la jeune génération possède des qualités que celle d’avant n’avait pas. Les Bastien, Millot sont bien meilleurs que certains quadras de la Ligue 1 » analyse le journaliste de L’Equipe.

Pascal Garibian et Patrick Lhermite.

Du CFA2 en Ligue 1 en deux ans !

François Letexier pourrait découvrir rapidement la Ligue 1.

Depuis la saison passée, les dirigeants de l’arbitrage français ont lancé une promotion accélérée à destination des arbitres les plus prometteurs. Ainsi, François Letexier, plus jeune arbitre de Ligue 2 pourrait découvrir la Ligue 1 très prochainement. Il dirigeait il y a deux ans encore des rencontres de CFA2. « Il faut de l’émulation. Quand on a détecté un Mirage 2000, une pépite, un talent, pourquoi le faire attendre ? » expliquait Éric Borghini dans un entretien accordé au Monde. Mais les « pépites » font beaucoup parler, notamment en National. Les jeunes arbitres évoluant dans ce championnat dégainent à tout va comme en attestent ces chiffres probablement historiques : 54 exclusions en 13 journées. La moyenne d’âge des arbitres est relativement jeune (30 ans) et les directeurs de jeu appliquent à la lettre les consignes données par leur hiérarchie. Christophe Pélissier, entraîneur d’Amiens qui a écopé de 12 matchs de suspension ferme (réduit à 8 par la suite) suite à des propos déplacés à l’égard de Yohann Rouinsard, l’arbitre de Béziers-Amiens le 18 septembre dernier témoigne : « C’est compliqué avec certains arbitres. Mais Il ne faut pas généraliser. L’arbitre d’Amiens-Chambly, par exemple a réalisé une prestation remarquable, qui plus est dans le cadre d’un derby. »

Ligue 1 : où est Turpin ?

Avis de recherche. Depuis le début de saison, Clément Turpin, qui est le seul à pouvoir prétendre à aller à l’Euro est absent des gros matchs de Ligue 1. Envolé. Pas d'exposition pour éviter d'éventuelles bourdes, au lieu de montrer à tous les compétences de l’arbitrage français. A en voir les désignations, la DTA (Direction Technique de l’arbitrage) a fait le choix de protéger Turpin et de promouvoir Benoit Bastien sur les chocs du championnat (PSG-OM et Monaco-PSG notamment). Plus étonnant encore la désignation de Ruddy Buquet sur PSG-Lyon le 13 décembre prochain. Mais qui est l’arbitre n°1 français aujourd’hui ? « Turpin a été grillé sous l’ère Batta où il fût exposé très jeune sur des matchs à enjeu» estime Frédéric Arnault. Dans les championnats étrangers, les arbitres de la catégorie élite sont exposés (voir ci-dessous) et dirigent les matchs phares dans leur pays. « C’est une volonté de la DTA qui ne veut pas l’exposer sur les grandes affiches » explique un arbitre qui préfère garder l’anonymat. Des membres de l’UEFA ont auditionné l’arbitre bourguignon récemment. « C’est de l’administratif. La meilleure audition, c’est celle du terrain » explique Frédéric Arnault et poursuit : « Depuis Gilles Veissière, la France a disparu des radars de la scène européenne et internationale ».

Gilles Veissière est le dernier arbitre français à avoir dirigé une finale de Coupe d’Europe. C’était il y a 14 ans…

Fautrel et Bastien dirigent les « chocs » de la Ligue 1

Matchs arbitrés par Fredy FAUTREL :

- MONACO-LYON

- ST ETIENNE-MARSEILLE

Matchs arbitrés par Benoit BASTIEN :

- MONACO-PSG

- PSG-MARSEILLE

Cette politique a déjà conduit l’arbitrage français dans le mur. Stéphane Lannoy fût dans le même cas de figure, n’étant pas appelé sur les sommets de L1 lors de la saison 2013-2014. Il n’avait pas été retenu pour le Mondial au Brésil. «Lannoy était un numéro 1 par défaut. Il n’est pas parvenu à tirer l’arbitrage français vers le haut. Sa carrière internationale tient du miracle quand on sait qu’il avait terminé dans le bas du classement de Ligue 1 il y a quelques années » explique Raphael Raymond. L’histoire pourrait se répéter avec Turpin. Lorsque l’on demande à Raphael Raymond si la France sera représentée lors de l’Euro, il répond : « Je ne sais pas. Le nombre d’équipes va passer de 16 à 24. Il y aura donc des arbitres supplémentaires. Je vois mal l’UEFA rompre avec la tradition de retenir un arbitre du pays hôte. » Interrogé, Michel Vautrot, ténor du sifflet tricolore et dernier arbitre français à avoir dirigé une finale de Ligue des Champions (Coupe des Clubs Champions 1986 Steaua Bucarest-Barcelone) ne partage pas cet avis : « L’UEFA n’avait pas retenu d’arbitre belge lors de l’Euro 2000. Collina est imperméable aux pressions. » Lors du dernier championnat d’Europe qui s’était déroulé en Pologne et en Ukraine, l’UEFA avait retenu le polonais Marcin Borski mais en qualité de quatrième arbitre. La commission des arbitres de l’UEFA, présidée par l’Espagnol Angel Villar Llona et dans laquelle siège le français Marc Batta se réunira le mardi 8 décembre pour finaliser la liste des arbitres qui iront à l’Euro. Ce dernier, démis de ses fonctions de Directeur National de l’arbitrage en juillet 2013 demeure le représentant tricolore au sein de l’instance européenne.

Clément Turpin avait vécu une soirée houleuse lors de Feyenoord-Roma en 16^ème de finale de l’Europa League en février 2014.

L’équipe de Turpin en question

La composition de l’équipe de Turpin fait également parler. Si la présence de Frédéric Cano s’impose comme une évidence, celle de Nicolas Danos l’est beaucoup moins. International depuis 2013 seulement, celui qui est affilié à la Ligue Midi Pyrénées n’a jamais tenu le sifflet au-delà de la PH-PHR lorsqu’il était arbitre central. Ses deux erreurs dimanche lors de Marseille-Monaco ne plaident pas en sa faveur. La logique aurait plutôt voulue que Michael Annonier, présent à l'Euro 2012 avec Stéphane Lannoy, qui figure parmi les assistants les plus performants de Ligue 1 et dont le classement (5ème) sur la liste des arbitres internationaux français fait désordre, rejoigne l’équipe de Clément Turpin. Turpin a dû faire face également aux défaillances de Fredy Fautrel, l’un de ses arbitres additionnels. La saison passée lors de Feyenoord-Roma en 16^ème de finale de l’Europa League et cette saison sur le match entre le Borussia Mönchengladbach et Manchester City en Ligue des Champions. Et lors de Porto-Maccabi Tel Aviv en octobre, Turpin oublie un pénalty flagrant pour le Maccabi.

Vautrot : « Aucun arbitre français n’a dirigé de barrages pour l’Euro »

 Son expérience internationale est faible (seulement 8 matchs en Ligue des Champions) au regard de ses collègues présents dans la catégorie élite. L’hypothèse la plus probable serait de retenir Turpin en qualité d’arbitre réserviste. « Aucun arbitre français n’a dirigé de barrage pour l’Euro (voir ci-dessous) », remarque Michel Vautrot, qui fût Directeur Technique National de l’arbitrage et poursuit « les arbitres anglais (Clattenburg et Atkinson) ont arbitré deux matchs sur huit. Il sera d’ailleurs très difficile pour l’UEFA de départager ces deux excellents arbitres. »

La concurrence est rude

Vingt-neuf arbitres composent le groupe élite. Parmi eux, les cadors tels que Rizzoli, Brych, Cakir, Kuipers, Undiano Mallenco, Collum ou autres Mazic pour ne citer qu’eux. D’autres viendront jouer les troubles fêtes comme le Russe Sergei Karasev auteur d’une prestation remarquable lors de Roma-Leverkusen récemment en Ligue des Champions. Ce dernier a bénéficié de l’expertise de Roberto Rosetti, digne successeur de Pierluigi Collina. « Les méthodes de formation et de détection n'évoluent pas ou peu et on ne regarde toujours pas ce qui se fait à l'étranger » regrettait Éric Castellani, ancien assistant international sur le site du Point en décembre 2014. En effet, les pays étrangers ont fait le choix (plutôt payant) de nommer un ancien grand sifflet de leur championnat à la tête des arbitres de leur fédération à l’image d’Herbert Fandel en Allemagne ou Marcello Nicchi en Italie. La Fédération Italienne de Football emploie une soixantaine de salariés dans le domaine de l’arbitrage et les résultats sont au rendez-vous. L’Italie dispose de quatre arbitres dans la catégorie élite. Avec l’assurance d’obtenir les grands matchs.

La France, elle n’en compte qu’un. « Nous sommes tombés en 3^ème division de l’arbitrage » déplorait Alain Sars, désormais Directeur Technique adjoint en charge du secteur amateur à la DTA, il y a trois ans. Les choses n’ont guère évolué depuis.

L’arbitrage français absent des barrages pour l’Euro

Sur fond d’affaire Ennjimi-Lannoy

La fin de saison dernière fût marquée par l’affaire Ennjimi, suspendu quatre mois ferme pour avoir demandé des maillots dédicacés mais surtout pour avoir ouvertement et publiquement critiqué les responsables de l’arbitrage français dans les salons officiels de l’OM après Marseille-Lorient le 24 avril dernier. « Ce n’est pas la première affaire de Saïd Ennjimi avec les instances. Il ne peut pas toujours avoir raison. Est-ce qu’un arbitre, à quelques heures d’un match n’a pas autre chose à faire que de demander des maillots pour quelque motif que ce soit ? Est-ce qu’un arbitre peut passer son temps dans les salons du président d’un club influent après un match ? Ennjimi a tort de crier au complot. Il a commis deux erreurs » explique Raphael Raymond. L’interview accordée avec son collègue Stéphane Lannoy à Pierre Ménès en mai dernier avait mis le feu à la maison arbitrage. L’arbitre nordiste avait écopé de cinq mois de suspension dont un mois ferme. Celui qui est le dernier arbitre français à avoir été présent en Coupe du Monde est d’ailleurs toujours encore en procès avec la FFF qu’il a attaqué au tribunal administratif. Cette affaire peut-elle laisser des traces ? « Elle devrait surtout inciter tout le monde à tourner la page» espère Raphael Raymond. Sauf qu’Éric Borghini, le patron politique de l’arbitrage a accordé un entretien au journal Le Monde qui n’a pas été du goût du SAFE, le syndicat des arbitres de football d’élite qui n’a pas souhaité réagir à cette interview dans laquelle le président du District de Côtes d’Azur en profite pour régler ses comptes avec Stéphane Lannoy.

« Nous allons pacifier l’arbitrage » déclarait Éric Borghini après le vote de la réforme de l’arbitrage en juin 2013. On en est loin.

Lionel SCHNEIDER