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Arbitrage français : un drôle de manège enchanté

La sélection de Clément Turpin pour la Coupe du Monde ne masque pas l'opacité et les dysfonctionnements criants de l'arbitrage français.

 

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Clément Turpin retenu pour la Coupe du Monde (source photo : www.rmcsport.bfmtv.com)

 

On prend les mêmes et on recommence. Depuis deux ans maintenant et le lancement de la professionnalisation de l'arbitrage, la Direction Technique de l'arbitrage a décidé de ne plus classer les arbitres appartenant au groupe élite (15 au total). La situation est identique chez les arbitres assistants (10 arbitres assistants élites). Nicolas Rainville est la première victime injuste de ce système opaque et sans visibilité pour les arbitres depuis deux ans. Alors qu'il a été irréprochable cette saison, l'arbitre nîmois a été rayé de la liste des arbitres élites, la Direction de l'arbitrage préférant garder de jeunes arbitres inexpérimentés. Le plan de professionnalisation, lancé en 2016 arrivant à terme, il a fallu renouveler les contrats des directeurs de jeu. Clément Turpin s'est vu proposer un contrat de trois ans tandis que Ruddy Buquet et Benoit Bastien ont signé pour deux ans. François Letexier (contrat de deux ans) a contesté le durée du contrat de l'un de ses assistants qui n'avait obtenu qu'une année. L'arbitre breton a obtenu gain de cause. "La mesure a pour effet d'accroître les jalousies et les inimitiés dans un milieu où elles sont déjà légion", peut-on lire dans le livre Je suis l'arbitre masqué.

 

Six arbitres n'ont pas été intégrés à ce plan de professionnalisation : Sébastien Moreira, Antony Gautier, Olivier Thual, Sébastien Desiage, Tony Chapron et Stéphane Jochem. Les deux derniers cités mettent un terme à leur carrière. Le premier cité retrouve la Ligue 2 pour la seconde fois de sa carrière. La voix du grand Michel n'est probablement plus ce qu'elle était. "Il obtiendra à nouveau les meilleurs désignations pour remonter immédiatement", pense un ancien arbitre international. La DTA n'a donc classé que trois arbitres (Gautier, Thual et Moreira). Du jamais vu. Cette saison aura été l'occasion pour les instances de l'arbitrage de se débarrasser de Tony Chapron, lynché de toutes parts après son coup de pied sur Diego Carlos lors de Nantes/PSG le 14 janvier dernier. Une carrière de 14 ans au plus haut niveau qui vole en éclats.

 

Au nom du père...et du fils

 

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Florent Batta rappelle à l'ordre Philippe Hinschberger ici lors d'un match à Laval (source photo : www.laval.mavilel.com)

 

Avec l'introduction de l'assistance vidéo en Ligue 1 la saison prochaine, les responsables de l'arbitrage ont décidé d'augmenter le contingent des arbitres centraux de Ligue 1 qui passe à 22. Jérémy Stinat, Florent Batta, Eric Wattellier et Willy Delajod ont obtenu les suffrages de leur hiérarchie pour accéder à la Ligue 1. Stinat (38 ans) deviendra le premier ancien footballeur professionnel à diriger des rencontres de l'élite. Une occasion supplémentaire pour Pascal Garibian, le Directeur Technique de l'arbitrage de parader dans les médias et de mettre en avant l'ouverture du milieu aux anciens joueurs. Espérons qu'il n'oublie pas de préciser que Jérémy Stinat a été formé par Nicolas Pottier, ancien Conseiller Technique Régional en arbitrage (CTRA) de la Ligue du Maine dans laquelle l'ancien joueur a débuté. "Une occasion aussi d'améliorer ses relations difficiles avec l'UNFP (Union Nationale des Footballeurs Professionnels)", estime cet ancien arbitre international qui préfère garder l'anonymat. Bénéficiant d'une promotion accélérée, l'ancien joueur de Bordeaux et Laval notamment a débuté au sifflet en octobre 2011. Promu en Ligue 2 en juillet 2015, il sera rétrogradé en mai 2016 avant que la DTA le fasse remonter en janvier 2017 en Ligue 2. En revanche, l'un de ses assistants, Jean-Philippe Di Francesco fait le chemin inverse et se voit rétrogradé en National. Allez comprendre.

 

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Willy Delajod devient à 25 ans le plus jeune arbitre de l'histoire de la Ligue 1 (source photo : www.hac-foot.com)

 

Annoncé en Ligue 1 depuis plusieurs semaines, Stéphanie Frappart devra patienter une saison de plus avant de probablement découvrir la Ligue 1 en 2019, année au cours de laquelle aura lieu la Coupe du Monde féminine en France. Mais la promotion qui fait le plus parler est incontestablement celle de Florent Batta. En Ligue 2 depuis 2010, le fils de Marc Batta, adjoint de Pierluigi Collina à l'UEFA et directeur national de l'arbitrage de 2004 à 2013 puis démis de ses fonctions par Noël Le Graët, aurait déjà pu être promu dans l'élite la saison dernière mais la commission fédérale d'arbitrage en avait décidé autrement. Tout comme il y a quatre ans où l'arbitre marseillais avait fait l'objet d'un règlement de comptes lors d'une observation par un contrôleur proche de la Direction de l'arbitrage. En coulisses, il se raconte qu'un accord aurait été trouvé entre la Commission Fédérale d'arbitrage et Marc Batta quant à la sélection de Clément Turpin à la Coupe du Monde en Russie. Très influent auprès de Collina, l'avis de Batta a été déterminant.

 

La carrière de Batta junior a été mouvementée jusqu'ici. Le 13 novembre 2005, il est désigné sur la rencontre de D1 féminine entre Montpellier et Lyon. Le terrain héraultais étant impraticable, le match est délocalisé à Villeneuve-lès-Maguelone. Situation identique dans cette ville voisine où la pelouse est détrempée. Les dirigeants locaux présentent un arrêté municipal à Florent Batta qui décide malgré celui-ci de faire disputer la rencontre dans des conditions dantesques. Gérard Bouisson, le maire de Villeneuve-lès-Maguelone à l'époque adresse un courrier salé à Jean-Pierre Escalettes, le président de la FFF d'alors, dans lequel il fustige l'attitude de Batta. Mais l'affaire est étouffée et l'arbitre méditerranéen décrochera même son écusson Fédéral 5 quelques mois plus tard. En fin d'année 2011, la Direction Nationale de l'arbitrage, alors encore dirigée par Marc Batta désigne Florent Batta sur la rencontre comptant pour le 7ème tour de la Coupe de France entre le club réunionnais du Tampon et le CSO. Amnéville. Sous les yeux de Bernard Desumer, alors président-délégué de la FFF et d'Yves Ethève, président de la Ligue de la Réunion, le match va tourner au fiasco. Menés 2-0, les réunionnais réussissent l'exploit de revenir à hauteur de leur adversaire et même de prendre l'avantage. Le club lorrain égalise sur un but hors-jeu. La position illicite est signalée par l'un des arbitres assistants issus de la Ligue de la Réunion. Mais son avis n'est pas pris en compte par Florent Batta qui le déjuge et valide le but. Amnéville se qualifiera aux tirs au but. L'Ile de la Réunion est en ébullition. "Nous avons assisté à une parodie de football. On est allé jouer en Afrique. On voit souvent ça. Mais en France, je pensais qu'on avait dépassé ce stade".

 

Le livre qui sème la zizanie chez les arbitres

 

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Alors que les dirigeants de l'arbitrage font croire que tout va bien suite à la sélection de Turpin en Russie, la sortie d'un livre - Je suis l'arbitre masqué - début mai écrit par un ancien arbitre de Ligue 1 sous couvert d'anonymat a secoué le milieu de l'arbitrage. Dans celui-ci, l'homme en noir, qui a très probablement co-écrit ce livre en collaboration avec un journaliste n'épargne pas Pascal Garibian. "Le nouveau DTA ne pipe pas un mot d'anglais et fait de la figuration lors des réunions internationales où on l'invite. En interne, il se murmure qu'il doit en grande partie sa nomination à la volonté de dirigeants très haut placés de l'évincer de la Commission de discipline où son intransigeance dérangeait". En fonction depuis 2013, l'ancien président de la commission de discipline fait l'unanimité contre lui. A commencer par Florence Hardouin, directrice générale de la FFF et qui siège au Comité exécutif de l'UEFA. De la part des arbitres de Ligue 1 également qui n'ont pas digéré le traitement infligé à leur collègue Tony Chapron. Mais il garde toujours la confiance de Noël Le Graët qui lui a confié la direction de l'arbitrage à l'été 2013. La majorité des présidents de clubs de Ligue 1 désespèrent de le voir toujours à la tête de l'arbitrage tricolore. Les prochaines élections fédérales de 2020 pourraient changer les choses avec une possible candidature de Jean-Michel Aulas, membre du Comex de la FFF et l'un des premiers opposants de Garibian. Car en coulisses se joue la succession de Marc Batta, qui arrive en fin de contrat à l'UEFA en 2020. Pascal Garibian et Bertrand Layec, le manager général des arbitres d'élite ne s'épargneraient rien pour pouvoir représenter le sifflet tricolore dans les plus hautes sphères de l'UEFA. La côte de Layec est élevée à l'UEFA où Collina apprécie le travail de l'ancien arbitre breton. Pour finir avec le livre, même si des pistes existent, difficile de trouver l'identité de l'auteur de cet ouvrage qui en dit en long sur le manque de courage et la lâcheté du milieu de l'arbitrage.

 

Où est le représentant des arbitres de la CFA à la LFP ?

 

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René Ruello (source photo : www.rmcsport.bfmtv.com)

 

Cette saison a encore été particulièrement éprouvante pour les arbitres de Ligue 1. Ces derniers sont abandonnés par leur direction qui n'a pas contesté une seule décision de la commission de discipline de la LFP. Il y avait pourtant matière à le faire. La violente sortie médiatique de René Ruello, l'ancien président du Stade Rennais à l'égard de Frank Schneider en est un exemple. Lors de Guingamp/Rennes, le dirigeant breton avait qualifié l'arbitre alsacien de "prétentieux entêté et d'imbécile". Ruello n'écopera que d'une ridicule amende de 20 000 €. Quelques semaines plus tard, Frank Schneider est l'arbitre de Montpellier/Marseille. Si un pénalty contestable est accordé aux marseillais, Schneider a raison de refuser le but de Souleymane Camara, l'attaquant montpelliérain étant en position de hors-jeu. Au retour au vestiaire en fin de match, Frank Schneider est encore la cible des dirigeants et membres du staff héraultais qui l'injurient de toutes parts. Mais la commission de discipline de la LFP ne sanctionnera personne. Un véritable scandale.

 

Chapron cloué au pilori

 

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Tony Chapron (source photo : www.leparisien.fr)

 

En revanche, comment ne pas s'indigner de la sanction infligée à Tony Chapron après son geste malheureux lors de Nantes/PSG en janvier ? Comment ne pas imaginer l'influence du "représentant" de la CFA à la LFP et vice-président de la CFA par ailleurs ? Garibian a été président de la commission de discipline de 2009 à 2013 et y a conservé de nombreux amis. Le lundi 15 janvier, soit le lendemain de Nantes/PSG, Garibian réunissait sa garde rapprochée en réunion de crise Boulevard de Grenelle et décidait de suspendre Chapron à titre conservatoire. Etaient présents autour de la table également le vice-président de la CFA et représentant des arbitres à la commission de discipline de la LFP. Ou comment être juge et parti. Jamais un joueur n'a écopé d'une pareille sanction. Tony Chapron aurait aimé finir sa carrière à Caen, dans son département natal du Calvados. Il n'a tué personne, s'est excusé mais a été brulé vif. Il y a quelques jours avait lieu la cérémonie des trophées UNFP à laquelle est récompensée le meilleur arbitre de Ligue 1 depuis plus d'une décennie. Elu meilleur arbitre de l'élite par ses pairs, l'arbitre grenoblois n'a pas été autorisé à aller récupérer un trophée symbolique mais qui aurait salué une très belle carrière même si l'homme n'a pas toujours été irréprochable. Mais la Direction Technique de l'arbitrage a fait pression sur l'UNFP pour faire annuler la remise du trophée. Classe. Le 20 mai dernier, Tony Chapron a eu l'occasion de pouvoir s'exprimer une première fois depuis son match à Nantes dans l'émission Intérieur Sport sur Canal+. On y découvre une personne sincère et humaine qui a la sensation "d'être partie à l'abattoir". L'arbitre rhodanien explique qu'il aurait dû "s'affranchir du devoir de réserve" imposé aux hommes en noir lorsque Pascal Garibian, le soir de Nantes/PSG ne l'autorisa pas à répondre aux sollicitations médiatiques. "Il s'agissait de préserver l'homme", disait le Directeur Technique de l'arbitrage. On connaît la suite.

 

Lionel SCHNEIDER



06/06/2018
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