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Le 4 mai 2002 se décidait le titre de champion sur l’ultime journée du championnat de France de Ligue 1 entre l’Olympique Lyonnais et le RC. Lens. Un tel scénario ne s’était jusqu’alors jamais produit. Désigné pour diriger ce sommet du football français, Gilles Veissière n’a pas oublié ce moment indescriptible de son immense carrière.

Gilles Veissière lors du toss en compagnie de Sonny Anderson et Guillaume Warmuz lors de Lyon-Lens en mai 2002.

Vingt ans après, comment oublier cette soirée du samedi 4 mai 2002 où lyonnais et lensois retiennent leur souffle à 90 minutes d’un titre de champion de France de Ligue 1 ? L’Olympique Lyonnais qui n’a encore jamais connu le sacre dans l’élite n’est pas forcément dans une position idéale au moment de recevoir les Sang et Or. Les joueurs du président Jean-Michel Aulas occupent la place de dauphin avec un point de retard sur les lensois de Joël Muller alors leaders. Le club rhodanien enregistre près de 200 000 demandes de billets. Pour diriger ce match historique du championnat de France, la Direction technique nationale de l’arbitrage (DTNA) comme on l’appelle alors choisit le meilleur arbitre tricolore en la personne de Gilles Veissière qui se souvient : « j’étais dans une année très faste. J’avais été élu meilleur arbitre français. Je revenais d’une désignation à l’Euro 2000. C’est une période où on se sent vraiment bien, très considéré avec un patron de l’arbitrage Michel Vautrot qui me faisait confiance. Un choix logique car tu es l’arbitre n°1. Une grande responsabilité. Une mauvaise prestation aurait foutu une saison en l’air. Un souvenir très prégnant."

Gilles Veissière ici avec l'attaquant lensois et international sénégalais El-Hadji Diouf lors de Lyon-Lens en 2002

"Il fallait se faire oublier"

Ce match, l’ancien arbitre international niçois l’a préparé comme un autre. "Il fallait passer à travers les gouttes, se faire oublier, ne sortir que sur un fait de jeu important. La préparation est basée sur une concentration de tous les instants", explique Gilles Veissière qui maîtrisera les débats de bout en bout. L’Olympique Lyonnais est sacré champion de France après s’être imposé 3-1 face au RC. Lens. Le trio arbitral signe une prestation de très haut niveau. L’homme en noir évoque "un excellent souvenir. On a pas vu les arbitres. Le football avait désigné sans d’éventuelles décisions arbitrales le champion. Un moment privilégié."

Gilles Veissière entouré de Serge Vallin (à gauche) et Vincent Texier (à droite) lors de la finale de la coupe de l'UEFA entre Liverpool et Alavès en 2001 (crédit photo : Getty Images)

Avec Frédéric Arnault et Serge Vallin, ses deux fidèles assistants, Gilles Veissière a le sentiment du devoir accompli et sera élu meilleur arbitre de Ligue 1 au même titre que Frédéric Arnault chez les assistants. "Avec ma personnalité pas toujours facile, avoir la confiance des joueurs et dirigeants était vital. Je me suis nourri du championnat de France. Le graal parce que je devais au football français la chance de vivre une passion extraordinaire", reconnait celui qui sera l’arbitre un an auparavant d’une des plus belles et prolifiques finales lors de Liverpool-Alavès (5-4) en coupe de l’UEFA. "Je mettrais ce match-là en haut. Le match dont on rêve et on vous l’offre en finale. Je l’avais partagé en toute courtoisie avec le regretté Gérard Houiller qui entraînait Liverpool."

Gilles Veissière saluant Taribo West lors d'Argentine-Nigéria lors de la Coupe du Monde en 2002. A ses côtés, Markus Merk et Frédéric Arnault. (crédit photo : Getty Images)

« Je me suis tellement régalé, j’ai eu beaucoup de chance »

Après cet inoubliable Lyon-Lens, Gilles Veissière a pris la direction du Japon et de la Corée du Sud où se déroulait la Coupe du Monde en 2002. Les pointures de l’arbitrage mondial sont là avec les Collina, Merk, Veissière, Frisk, Meier, Nielsen, Melo Pereira. L’arbitre azuréen se voit confier le choc entre l’Argentine de Batistuta et le Nigéria d’Okocha. "Interdiction de se tromper. D’être à un niveau de la confiance que te donne la FIFA", indique Gilles Veissière qui prendra part également à deux championnats d’Europe en 2000 et 2004. Il sera l’arbitre d’un terrible Yougoslavie-Espagne décisif pour la qualification en ¼ de finale à l’Euro 2000. Véritable meneur d’hommes au parler vrai, Gilles Veissière a marqué de son empreinte les pelouses de l’hexagone par son charisme et sa personnalité qui lui ont permis du tutoyer les sommets. Comme ce soir de mai 2003 lors du premier derby milanais de l’histoire de la Ligue des Champions en ½ finale où Gilles Veissière, Frédéric Arnault et Jean-Philippe Izzo régalent la planète football par la qualité de leur prestation qui trouvera un écho favorable auprès du très redouté Volker Roth, alors patron de l’arbitrage à l’UEFA. "Ce match a été très dur. Plus d’un million de demandes de billets. J’étais en apnée tout le match avec des défenseurs et attaquants italiens qui m’ont rendu la partie compliquée", raconte celui qui deviendra consultant pour Canal+ quelques années plus tard. Gilles Veissière se rappelle aussi d’un match "exceptionnel d’intensité" entre l’Argentine et le Brésil lors d'un quart de finale du championnat du monde U20 en 1997 en Malaisie. "Deux équipes férocement opposées. Je me suis tellement régalé, j’ai eu beaucoup de chance", savoure celui qui a été adjoint aux sports de la ville de Nice durant douze années et qui espère la victoire des hommes de Christophe Galtier samedi lors de la finale de la coupe de France : "je ne peux voir que des performances intéressantes. Je regretterai qu’il n’y ait pas plus de monde au stade. Mais ce monde va se déplacer au stade de France samedi. C’est une belle récompense. Le niçois que je suis souhaite la victoire de l’OGC. Nice mais je garde tellement de belles images du FC. Nantes de Coco Suaudeau. Quoiqu’il arrive, ce sera un beau vainqueur. Car Nantes reste Nantes."

Gilles Veissière, Frédéric Arnault et Jean-Philippe Izzo sur le toit du monde lors de la 1/2 finale 100 % milanaise entre l'Inter et le Milan AC en Ligue des Champions en 2003. 

Au côté des enfants de Madagascar avec l’APLA

Le chef d’entreprise de distribution d’articles de sport depuis plusieurs décennies ne cache pas sa tristesse face à la très probable relégation du FC. Metz en Ligue 2 et celle de l’AS. Nancy-Lorraine en National. "C’est un gros déchirement de voir ces deux clubs historiques dans cette situation. Je suis triste de voir le football lorrain dans cet état tant il regorge de personnalités charismatiques. Les Platini, Rousselot, Parentin, Zénier et bien sûr Molinari. Le FC. Metz c’est le club de Carlo Molinari. Un dirigeant inexplicable tellement il est passionné. Un homme délicieux dans la victoire comme dans la défaite. A part Louis Nicollin, je ne connais d’autre dirigeant avec une telle passion."

Loin du football désormais, Gilles Veissière continue néanmoins de mener une vie bien remplie en s’adonnant à la course à pied et en venant en aide aux personnes en difficulté au quotidien. En mai 2020, l’ancien directeur de jeu a décidé, accompagné de nombreux bénévoles de créer l’Association Pour Les Autres (APLA) qui se mobilise pour les plus démunis. L’association s’est engagée au profit de Pachamama et les enfants de Madagascar. Mais aussi auprès des étudiants qui vivent dans la précarité en organisant des distributions de produits sanitaires et hygiéniques.

Le football lui a permis de vivre des moments exaltants. Gilles Veissière avait-il imaginé un instant connaitre une carrière qui l’a emmené aux quatre coins de la planète grâce au football et à l’arbitrage ? "Non je ne l’imaginais pas comme tout arbitre qui rêve de gravir tous ces échelons. Un rêve que tout le monde souhaite. Ce fût une aventure humaine extraordinaire", conclut Gilles Veissière. Le football offre des moments magiques. Gilles Veissière en a été un témoin privilégié.

La carrière de Gilles VEISSIERE :

Né le 18 septembre 1959 à Nice

Profession : Chef d'entreprise

Premier match en Ligue 1 : Montpellier-Toulouse le 9 décembre 1990

Dernier match en Ligue 1 : Auxerre-Toulouse le 28 mai 2005

236 matchs de Ligue 1 arbitrés

Près d'une centaine de matchs internationaux arbitrés

40 matchs de Ligue des Champions dirigés

Elu meilleur arbitre de Ligue 1 en 2002 et 2003

Coupe du Monde en 2002 : deux matchs arbitrés 

-Argentine/Nigéria

-Japon-Tunisie

Euro 2000 : deux matchs arbitrés

-Roumanie-Portugal

-Yougoslavie-Espagne

Euro 2004 : deux matchs arbitrés

-République Tchèque-Lettonie

-Russie-Grèce

1/4 de finale entre l'Argentine et le Brésil lors du championnat du Monde U20 en 1997

Finale de la Coupe de l'UEFA entre Liverpool et Alavès en 2001

Finale de la Coupe de France entre le Paris Saint-Germain et le RC. Lens en 1998

Finale de la Coupe de la Ligue entre le RC. Strasbourg et Caen en 2005

1/2 finale de la Ligue des Champions entre l'Inter Milan et le Milan AC en 2003

Lionel SCHNEIDER