Euro : Clattenburg a-t-il réussi sa finale ?
Clap de fin sur cet Euro 2016 qui a vu le sacre du Portugal dimanche. Retour sur les faits de jeu de cette finale en compagnie de Dominique Bergmann, ancien arbitre de Ligue et ex membre de la commission régionale des arbitres en Lorraine.
Dimitri Payet au contact avec Ronaldo (source photo : www.butfootballclub.fr)
8ème minute de jeu, Ronaldo se retrouve à terre après un duel avec Dimitri Payet. Mark Clattenburg laisse jouer. A-t-il bien fait ?
L'avis de Dominique BERGMANN
"De toute évidence, il y a faute sur Cristiano Ronaldo. Même si le pied gauche de Payet tacle le ballon, il percute néanmoins violemment le genou gauche de Ronaldo avec son genou droit car il ne maîtrise pas sa vitesse d'intervention. Affirmer ensuite comme certains voudraient nous le faire croire, qu'il y avait volonté de blesser le stratège Portugais - déjà en délicatesse avec son genou -, relève de la pure spéculation. Cette intervention néanmoins, méritait non seulement d'être sifflée (elle ne l'a pas été) mais pouvait valoir en sus à Dimitri Payet, un avertissement. De manière générale, j'ai noté au cours de cet Euro, que les arbitres ont favorisé au maximum la fluidité du jeu en ne sanctionnant qu'à minima les fautes et incorrections (consignes UEFA?) quitte à laisser passer certaines fautes qui me paraissait pourtant évidentes à l'écran. La question à se poser dés lors, et pourquoi ce "laxisme" relatif ou supposé (qui malgré tout, a plutôt bien fonctionné au cours de cet Euro, les joueurs s'adaptant au style d'arbitrage) ? Le côté positif, en revanche, de ne siffler que les "incontournables" (entre guillemets), est que cela a permis dans une certaine mesure de lutter contre les simulations, fléau du football moderne ... selon moi!"
Webb : "Ne pas accabler Clattenburg"
Dans sa chronique à The Times, quotidien anglais, Howard Webb, qui fût l'arbitre de la finale du Mondial 2010 notamment, a pris la défense de son collègue britannique. "Mark ne porte aucune responsabilité sur la blessure de Ronaldo. S'il n'était pas sorti sur blessure, personne n'en aurait parlé. Il y a un choc genou contre genou. Il n'y a rien de méchant. Au pire, Mark aurait pu accorder un coup-franc mais un avertissement ne s'imposait pas. Il serait injuste d'accabler Mark sur ce fait de jeu."
Howard Webb (source photo : dailymail.co.uk)
107ème minute : les portugais obtiennent un coup-franc imaginaire à moins de 25 mètres du buts d'Hugo Lloris. C'est en effet Eder qui touche le ballon de la main et non Laurent Koscielny...
Eder touche le ballon de la main mais c'est Koscielny qui est sanctionné (source photo : 24matins.fr)
L'avis de Dominique BERGMANN
"Evidemment dans le doute, il vaut mieux s'abstenir que commettre une erreur ! Mais rien ne nous permet de supposer que Mark Clattenburg ait eu un doute, tout comme à vitesse réelle, je ne me suis pas posé la question de savoir pourquoi, il sifflait contre Koscielny. Son avertissement, replacé dans le contexte n'a rien de scandaleux sauf qu'évidemment la faute de main était commise par Eder dont on peut ironiser sur l'esprit sportif, et même si avant lui, nous avons eu notre Thierry Henry national contre l'Irlande (une tricherie dans un sens + une tricherie dans l'autre sens, ça ne fait pas 0 tricherie et balle au centre, mais bien 2 tricheries, car la compensation n'existe pas, y compris et surtout dans l'arbitrage). Alors évidemment, si le coup franc n'a rien donné, l'avertissement donné à tort à Koscielny lui a eu des conséquences indirectes sur le but encaissé par la France deux minutes après, car Koscielny, se sachant averti, n'a pas pu ou voulu défendre à plein et aller au contact de Eder au moment de sa frappe...Désolant mais c'est ainsi."
Mark Clattenburg a-t-il réussi sa finale ?
Cette saison 2015/2016 sera à marquer d'une pierre blanche pour Mark Clattenburg. Jamais un arbitre anglais n'avait réalisé pareille performance, à savoir diriger une finale de championnat d'Europe, une finale de Ligue des Champions et la finale de la Coupe d'Angleterre en une seule saison. Excellent durant 90 minutes, Clattenburg a connu une période de prolongations agitée de laquelle on retiendra surtout la main d'Eder qui a permis à la Seleçao d'obtenir un coup-franc à 25 mètres du but français. Quelques minutes auparavant, il avertissait très sévèrement Blaise Matuidi pour avoir bousculé Eder. La faute du milieu parisien était bien réelle mais ne méritait pas l'avertissement. Un carton jaune qu'aurait dû prendre Pepe, le défenseur lusitanien qui terminera le match sans carton après avoir bousculé Laurent Koscielny juste avant l'exécution d'un corner en prolongations. Le carton jaune adressé à Rui Patricio à la 122ème minute fait désordre. Le portier du Sporting Lisbonne ne s'est pas privé de gagner du temps tout au long des prolongations sans réaction de Clattenburg. Si le match s'était terminé au terme des 90 minutes, Clattenburg n'était pas loin de rendre une copie quasi parfaite.
Mark Clattenburg en discussion avec Pierluigi Collina avant la finale (source photo : dailymail.co.uk)
L'avis de Dominique BERGMANN sur la prestation de Mark Clattenburg
"J'ai trouvé que Clattenburg avait plutôt bien géré cette finale, j'ai apprécié son calme et son flegme dans les moments un peu plus chauds de la rencontre. Dommage, que cette erreur d'appréciation sur la main ternisse un peu sa prestation."
Arbitrage : un Euro sans grosse polémique
Aucune grosse polémique n'a émaillé cet Euro. Ce n'était pas le cas lors du championnat précédent où un but valable avait été refusé aux Ukrainiens lors du match face aux anglais. Dans une interview accordée au journal Le Temps, Damien Carrel, ex arbitre suisse n'est pas du même avis et estime que certaines décisions auraient pu être plus largement commentées. "Le but de Giroud face à la Roumanie par exemple qui fait faute sur le gardien adverse. Les roumains ont très peu protesté et la presse ne s'est pas emparée de l'affaire, alors qu'au final, il s'agit d'un but décisif." Sur ce but d'Olivier Giroud, plusieurs consultants (ex arbitres) se sont exprimés et ne sont pas tombés d'accord. Arbitrer c'est aussi interpréter. La sélection suisse pourra également longtemps pester après le pénalty flagrant oublié lors du match décisif pour la première place face à la France.
"Les arbitres additionnels ne sont pas très crédibles"
L'ancien sifflet helvète n'est pas enchanté non plus par l'arbitrage à cinq. "Augmenter le nombre de paires d’yeux qui scrutent une zone sensible, c’est idéal. Mais il faut aller au bout de l’idée. En l’occurrence, ces assistants supplémentaires sont transparents. Ils n’ont pas l’opportunité de se manifester visuellement, comme les assistants avec leur drapeau, et ne sont donc pas très crédibles. Ils peuvent juste communiquer ce qu’ils voient à l’arbitre central, qui peut facilement les ignorer." Cependant, certains arbitres additionnels ont prouvé leur utilité comme lors de France-Allemagne où Daniele Orsato, l'un des arbitres supplémentaires indiqua le pénalty consécutif à une main de Bastian Schweinsteiger. On pourra s'étonner en revanche que Renato Sanches, la nouvelle pépite du Portugal n'ait pas été sanctionnée à posteriori après avoir marché volontairement sur le tibia de Lucas Modric lors de Croatie-Portugal.
Nicola Rizzoli (source photo : www.footballrefereeing.blogspot.fr)
Parmi les déceptions de cet Euro, on retiendra le départ précipité de Cuneyt Cakir après les 1/8ème (Espagne-Italie). L'arbitre turc, qui figure parmi les meilleurs au Monde n'a pas paru dans les meilleures dispositions pour aborder cet Euro après avoir été désigné sur deux 1/2 finales consécutives. Le hollandais Bjorn Kuipers aurait pu espérer une présence dans le dernier carré mais son Espagne-Croatie (en phase de groupe) lui aura été fatal après un pénalty inexistant accordé aux espagnols et qui aurait dû être retiré. Viktor Kassai, malgré un remarquable Euro n'a pas eu l'honneur de diriger la finale qu'il méritait pourtant. Szymon Marciniak est probablement la révélation de cet Euro. Promu dans le groupe élite en juillet 2015, l'arbitre polonais a été appelé à diriger avec brio un 1/8ème de finale (Allemagne-Slovaquie). Trois des dix-huit arbitres retenus vont mettre un terme à leur carrière internationale : Carlos Velasco Carballo (Espagne), Martin Atkinson (Angleterre) et Nicola Rizzoli (Italie). Ce dernier a encore rayonné durant cet Euro.
L'Euro en chiffres :
196 avertissements et trois cartons rouges distribués
La réussite d'un championnat d'Europe passe incontestablement par la qualité de l'arbitrage. Elle est avant tout le fruit et le résultat d'un travail de longue durée mené par Pierluigi Collina et la commission d'arbitrage de l'UEFA.
Merci à Dominique Bergmann pour sa précieuse collaboration au cours de l'Euro.
Lionel SCHNEIDER
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