Jacques Poulain, la vie en courant.
Passionné de courses à pied et grand amoureux de voyages, Jacques Poulain, ancien arbitre Fédéral 1 nous fait partager volontiers ses passions.
Jacques Poulain lors du marathon de Dubaï en 2010 (crédit photo : Jacques Poulain)
Il avoue avoir un peu décroché avec le ballon et avec la Ligue 1 ces derniers temps. "Je ne suivais plus que l'équipe de France et les équipes françaises en coupe d'Europe", explique Jacques Poulain. Pas étonnant pour ce picard né un 12 juillet à Friville-Escarbotin, ville de 4700 habitants où Jérémy Stravius a connu ses débuts en natation. C'est ici dans la Somme que Jacques Poulain a pris goût à l'arbitrage, sur les traces de son père, ancien arbitre au niveau départemental. "Quand j'étais gamin, lui partait mobylette et moi, je l'accompagnai en vélo quand le kilométrage le permettait", se rappelle Jacques Poulain, footballeur de bon niveau passé par l'US. Friville-Escarbotin, le SC. Abbeville et le CA. Mantes. C'est ici, dans les Yvelines qu'il évolue en Championnat de France Amateur (CFA). "J'étais aux portes de la D2 mais une grave blessure au genou m'a contraint à arrêter ma carrière de joueur." Le CA. Mantes accède en deuxième division en 1971. Un an plus tard, Jacques Poulain réussit l'examen d'entrée dans le corps arbitral. Il est promu interrégional (l'équivalent du National actuellement) en 1980.
Clap de fin pour Jacques Poulain qui met un terme à sa carrière en mai 1994 à Montpellier, entouré de ses deux assistants : Jean-Michel Charton (à gauche) et Didier Cotrel (à droite). (crédit photo : Jacques Poulain)
"J'aimais bien le caractère passionné de Nicollin"
Mais le futur cheminot a dû être patient pour en arriver là : "il fallait passer une saison dans chaque division (il y en avait sept) pour atteindre la Division d'Honneur où l'on devait rester deux ans au moins avant de pouvoir être présenté à la Fédération. J'ai perdu un temps précieux qui m'a manqué par la suite. Depuis, les choses ont évolué dans le bon sens, tant mieux." En 1984, il découvre le championnat de France de D2 avant d'être lancé trois plus tard dans le grand bain de la D1. D'abord seul, Jacques Poulain construit petit à petit son équipe avec l'arrivée de Didier Cotrel à partir de la saison 1988/1989 avant que Bruno Ruffray ne complète le trio en 1989. Jean-Michel Charton rejoindra l'équipe des picards.
Jacques Poulain n'oublie pas ceux qui lui ont permis d'en arriver là et qui ont compté dans son parcours : "tout d'abord Monsieur Goasguen, Président de la commission d'arbitrage de Paris à l'époque, Henri Didier, sur qui j'ai toujours pu compter et une pensée particulière pour Georges Ulhen, cheminot comme moi et qui m'a beaucoup apporté." Jacques Poulain termine sa carrière en D1 le 7 mai 1994 à la Mosson lors de Montpellier/Sochaux : "c'était un choix personnel. Montpellier était une équipe qui me réussissait bien. J'aimais bien le caractère passionné de Louis Niccolin qui fût parfait à un moment très émouvant non pas uniquement de ma carrière sportive mais de ma vie."
Jacques Poulain entouré de Didier Cotrel (à gauche) et Bruno Ruffray (à droite), ses deux assistants (crédit photo : Jacques Poulain)
Une carrière professionnelle à la SNCF
Jacques Poulain a fait toute sa carrière professionnelle à la SNCF qu'il a rejoint à l'âge de 16 ans. Ses activités arbitrales ont été un vrai plus au moment de convaincre les dirigeants de l'entreprise. "Je n'oublie pas cette ligne sur mon CV qui m'a permis d'obtenir certains postes que l'on avait souhaité me confier". Il gravira tous les échelons pour terminer Directeur de Cabinet du Directeur financier. "Je suis entré dans le monde professionnel dans cette entreprise nationale qui offrait des métiers spécifiquement ferroviaires dont je suis issu et d'autres métiers plus généralistes que l'on retrouve dans toutes entreprises (commerciaux, maintenance, achat, ressources humaines, financiers,...) accessibles en internes par voies diplômantes internes ou externe par concours. J'ai voulu et pu utiliser les deux dispositifs dans le cadre de mon parcours au sein de la SNCF." Celui qui vit actuellement à Achères dans les Yvelines retient de son parcours "la rigueur d'organisation technique de l'entreprise et sa capacité à évoluer. J'ai pour elle la reconnaissance du ventre de m'avoir permis de m'ouvrir les portes nécessaires à mon évolution."
Un retraité hyperactif
Jacques lors de son voyage en Syrie fin 2010 (crédit photo : Jacques Poulain)
A la retraite depuis plusieurs années maintenant, Jacques Poulain n'aurait plus le temps de travailler tellement ses journées sont remplies. Grand voyageur, il a, avec son épouse sillonné 94 pays dans le Monde à ce jour. De la Chine à la Nouvelle-Zélande, en passant par les Emirats Arabes Unis ou encore le Québec pour ne citer qu'eux, Jacques Poulain retient deux pays qui l'ont particulièrement marqué : les Etats-Unis et la Syrie. "Les USA offrent le plus de diversité de paysages sur son territoire, il suffit pour cela de passer d'un état à l'autre. Nous y sommes allés neuf fois." Mais le périple le plus poignant fût celui l'amenant en Syrie fin 2010. "Des paysages magnifiques, le berceau de l'alphabet, la route des Croisés, Alep ville splendide". A Palmyre, Jacques et son épouse ont pratiqué la course à pied dans les ruines de la ville. "Au sein de la mosquée de Damas priaient les musulmans et les chrétiens devant les reliques de Saint Jean-Baptiste sans aucun problème. Trois mois plus tard, la guerre y commençait ses ravages", raconte Jacques Poulain. Et d'ajouter : "Je ne vais pas faire de la politique à deux balles en disant qu'il n'y avait pas sur place de problème de démocratie, mais fallait-il que ce soit au prix actuel ?"
57 marathons et plus de 600 courses !
Le badwater ultramarathon, dans la vallée de la mort par des températures caniculaires (source photo : www.culture-athle.com)
L'autre grande passion de Jacques Poulain est la course à pied. L'homme en noir y a pris goût lors des tests de cooper imposés pour postuler au titre d'arbitre de la Fédération. Des corridas pédestres, les 20 kilomètres de Paris pour débuter puis le marathon dans la Capitale. "Je l'ai préparé en deux mois et je l'ai terminé en 3h02. J'ai attrapé le virus ce jour-là." Les marathons s'enchaînent : New York (à deux reprises dont la première où il termine dans les cent premiers participants), Los Angeles, Miami, Chicago, Boston, Londres, Melbourne, Auckland, Munich, Lausanne, Chypre, Budapest, Dubaï, Pékin, Québec, Chicoutimi et Singapour pour ne citer qu'eux ! Jacques Poulain a passé la ligne d'arrivée de plus de 600 courses, 57 marathons et quatre raids dont celui de la "Vallée de la mort", considéré comme l'une des courses les plus difficiles du monde avec une température atteignant les 70° par moment, 217 kilomètres à parcourir, un départ à 85 mètres en dessous du niveau de la mer et une arrivée pour finir à 2500 mètres sur le Mont Whitney. A cette longue liste viennent encore s'ajouter quelques cross l'hiver et de la piste l'été.
"Le sport fait partie intégrante de notre vie"
Jacques Poulain et son épouse (crédit photo : Jacques Poulain)
Parvenant à concilier ses deux passions que sont l'arbitrage et la course à pied, Jacques Poulain explique que cette dernière lui permettait "d'évacuer le stress des matchs" lorsqu'il arbitrait. Son épouse, "qui en avait marre de m'attendre à l'arrivée avec la serviette et le survêtement", le rejoint rapidement. Mais une certaine lassitude due "au sentiment d'avoir fait le tour de l'activité" a conduit Jacques et son épouse à s'orienter vers une autre redoutable discipline : le triathlon. "Une façon aussi pour nous de s’engager dans un nouveau challenge. Le sport fait toujours partie intégrante de notre vie." Une douzaine déjà réalisés depuis trois ans. Prochain défi ? L'Iron Man de Nice le 25 juin 2017. "Mon objectif est de terminer dans le temps imparti de 16 heures pour être déclaré FINISHER après 3kms800 de natation en mer, 180 kms de vélo avec 2 cols, et un marathon pour finir", explique Jacques Poulain qui suit actuellement un entraînement intensif : "je fais du volume pour tenir la distance. Je vais quatre fois nager (distance de 6 kilomètres), trois sorties en vélo dont une de plus de 100 kilomètres soit 200 au total ainsi que trois courses à pied de 50 km. Le passage vélo/course à pied est le plus difficile mentalement et musculairement. En février, nous partirons loin deux semaines pour bénéficier d’une mer chaude et nager en milieu marin et s’y adapter."
Juge de proximité puis conciliateur de justice
Depuis 2006, Jacques Poulain occupe également des fonctions dans l'institution judiciaire. "Compte tenu de l’environnement à risque qu’était la DNA (Direction Nationale de l'arbitrage)…j’avais anticipé ce qui était susceptible d’arriver." Après avoir postulé auprès du Ministère de la Justice, Jacques devient juge de proximité. "Mon rôle était de rendre des jugements sur des litiges à caractère civil dont le préjudice ne dépassent pas la somme de 4000 €." Mais les audiences interminables - "quand toutes les affaires inscrites sont passées après avoir entendu les parties, l’heure de début est connue, jamais celle de fin" - l'ont amené à trouver une fonction moins prenante. Jacques Poulain devient conciliateur de justice, rattaché au tribunal d'instance en 2015 où son activité consiste à "à intervenir en amont de toute requête devant le juge civil, auprès des parties en conflit afin de leur permettre de trouver une solution conciliée à celui-ci et de ne pas aller devant le juge." Dans cette activité, Jacques Poulain retrouve les mêmes objectifs et frissons que lui ont apporté l'arbitrage, la course à pied et le triathlon.
Qui êtes-vous Jacques POULAIN ?
Nom : Poulain
Prénom : Jacques
Date et lieu de naissance : 12 juillet 1947 à Friville-Escarbotin (80)
Profession : Cadre Dirigeant retraité de la SNCF
Clubs : Joueurs US Friville-Escarbotin, SC Abbeville, CA Mantes, arbitre de l’AS Poissy
Débuts en arbitrage : 1972 sur la ligue de Paris IDF
Parcours FFF : interrégional en 1980, fédéral 2 en 1984, fédéral 1 de 1987 à 1994
Assistants attitrés : sur les quatre dernières saisons en D1 avec deux picards comme moi : Didier Cotrel et Jean-Michel Charton auxquels j’adresse mes amitiés et mes remerciements. Je tiens aussi à souligner la saison faite en compagnie de Bruno Ruffray, jeune arbitre de l’époque et que l’on m’avait "confié"…ce fût un plaisir !
Nombre de matchs arbitrés en D1 : avec les touches faites en tant que Fédéral 2, je dois avoisiner les 200
Palmarès : major des arbitres Fédéraux 1 1993/1994
Références en matière d’arbitrage : Michel Vautrot, Joel Quiniou, Gérard Biguet, tous avec des qualités différentes
Plus grands joueurs croisés : Michel Platini à la Juve en Coupe d'Europe, tous les joueurs du grand OM vainqueur de la coupe d’Europe et bien sûr la plupart des joueurs de l’équipe de France 1998
Le joueur le plus râleur rencontré : je n’ai pas de nom d’un joueur particulier sur lequel j’aurais focalisé. Par contre j’ai toujours préféré gérer (comme dans la vie courante pour une personne) un joueur qui s’exprime trop en face de vous, qu’un joueur introverti et qui est capable de « dégoupiller » pour un motif futile.
L’entraîneur le plus casse pied : j’ai toujours eu beaucoup de respect pour les entraîneurs dont la mission à ce niveau de compétition est difficile. Globalement ils me l’ont toujours rendu, même lorsque nous n’étions pas d’accord sur certaines décisions.
Un stade : le Camp Nou et le stade Vélodrome à Marseille
Votre plus grand souvenir : il est sportivo-historique. En novembre 1993, pour marquer les accords de paix d’OSLO entre Israël et la Palestine, la Fédération Française de Football m’a désigné pour accompagner le Variétés Club de France en Israël et Palestine pour arbitrer deux matchs organisés par une association Juive de France avec l’accord des autorités françaises et locales. Je suis parti plusieurs jours avec le Variété (tous les anciens des années 80 étaient là).
Le Variétés Club de France en Palestine en octobre 1993. De gauche à droite : Thierry Roland, Alain Leiblang, Michel Platini, Jean-Pierre Valente et Yannick Noah (source photo : www.varietes.org)
Premier match à Jéricho contre la première équipe de Palestine constituée jouant dans ses couleurs. Bus accueillis par des centaines de gamins depuis l’entrée dans la ville, la plupart juchés dessus et accrochés aux portières. 10 000 personnes dans un stade ne pouvant en accueillir plus de 2000, des gens partout y compris sur le terrain avec des lignes de touche qui s’élargissaient ou se rétrécissaient en fonction des actions, présentation des équipes, hymne national, poignée de main avec Yasser Arafat, toutes les télés du monde arabe présentes.
A l’arrivée 1-0 pour la Palestine, le buteur a fait le tour du terrain sur les épaules des supporters qui avaient envahi le terrain pendant une bonne dizaine de minutes avant de pouvoir reprendre le jeu. QUEL SOUVENIR !
Carlo Molinari (source photo : www.republicain-lorrain.fr)
Ses souvenirs à St-Symphorien : "Un souvenir unique qui nous fait sourire mon épouse et moi lorsque l’on y repense. Mais avant d’en parler je garde de ce club un excellent souvenir tant au plan sportif que de l’accueil que nous y avions. A ma fin de carrière, Carlo Molinari alors Président du club m’a adressé un courrier que j’ai conservé et qui m’a beaucoup touché.
J’en viens à mon souvenir. J’étais Fédéral 2 et j’assistais sur une rencontre Michel de Zayas. Les choses n’étaient pas du goût du public. Nous sommes restés bloqués dans le vestiaire très longtemps, le public voulant nous exprimer de près sa façon de penser. Nous allions être évacués dans une camionnette anonyme. Mon épouse qui m’accompagnait attendait près de la sortie principale au milieu de la foule. Un dirigeant du club à qui j’avais donné sa description est parti à sa rencontre pour l’emmener à notre hôtel, l’a retrouvée. Dialogue :
-"Vous êtes Madame Poulain l’épouse de l’un des arbitres, venez je vais vous emmener, quelqu’un se charge d’eux dans un autre véhicule »
-Compte tenu du contexte qu’elle découvrait «mais pas du tout Monsieur ! vous vous trompez de personne !»
Mais ce dirigeant a su trouver les mots, tout est rentré dans l’ordre et nous sommes retrouvés à l’hôtel.
Sa vision de l'arbitrage actuellement : "Les comparaisons sont toujours délicates entre les générations, le contexte comportemental et éducatif des personnes ayant beaucoup changé. Mais il est vrai qu’à mon époque il y a avait des personnalités plus marquées en ce qui concerne leur différence de pratiquer le « métier ».
Michel Vautrot n’arbitrait pas comme Joël Quiniou, lui-même n’arbitrant pas comme Gérard Biguet car ils avaient des personnalités différentes. Pourtant ils ont duré et ont été reconnus tout au long de leur carrière.
Personnellement je n’étais pas un adepte du carton (ou du moins de sa profusion), je pouvais le faire sans problème. Aujourd’hui comme le carton semble revêtir un caractère systématique pour pratiquement tous, je pense que les directives font que nos successeurs ne semblent pas avoir le choix. C’est dommage pour eux et le jeu."
Une anecdote : 3ème saison en Ligue 1, premier match à Marseille. Le grand Marseille en tête contre le SC. Toulon en queue et en fin de saison. Chaud bouillant dans les tribunes. Quelque peu tendu (pour ne pas dire plus). Pierre Petit, le délégué du match pour me détendre dans le tunnel me glisse à l’oreille « il n'y aura pas de problème, Marseille va en claquer deux tout de suite et après on sera tranquille ».
Effectivement, après neuf minutes de jeu, 2-0 pour...Toulon. Une affaire qui devait être simple devenait très compliquée. J’ai vécu une pression énorme entre les « chutes » des marseillais dans la surface de réparation de Toulon, Waddle qui me tire un CFI directement, la met au fond et s’en va exciter le public, but que j’annule sous les huées. A l’arrivée 3-3 et je crois l’estime des deux équipes.
Merci à Jacques Poulain pour cet entretien passionnant.
Lionel SCHNEIDER
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