arbitrage57

Arbitrage français : la grande mascarade

L’arbitrage français traverse une crise profonde depuis vingt ans. Et n’en voit pas le dénouement.

 

790eeace9de2a7d02e4e1f7219655.jpg

 

François Letexier ne voit pas la simulation grossière du bordelais Malcom (source photo : www.rmcsport.bfmtv.com)

 

La liste finale des arbitres retenus pour la Coupe du Monde en Russie sera connue dans quelques semaines. Présélectionné avec 35 autres directeurs de jeu, Clément Turpin n’a aucune garantie d’y figurer comme arbitre principal. La France n’a plus la côte à l’international depuis de nombreuses années, ce n’est pas nouveau. Un seul arbitre tricolore fait partie du groupe élite à l’UEFA : il s’agit de l’arbitre bourguignon qui pourrait bientôt déchanter avec la très probable accession de Benoit Bastien en catégorie élite en juin prochain. Entre Turpin et Bastien, les relations sont devenues glaciales. « Ils ne se parlent plus et les rassemblements à Clairefontaine ont lieu sous tension », explique un arbitre assistant Fédéral 1 sous couvert d’anonymat. L’arbitre lorrain aurait même fait savoir à Pascal Garibian qu’il ne souhaitait pas être l'éternel numéro 2  derrière Turpin avec qui il devrait bientôt être en concurrence pour l’Euro 2020. Pour beaucoup, le meilleur arbitre de Ligue 1 s’appelle Ruddy Buquet. Mais pour l'arbitre amiénois, le train est passé, hélas. « La Direction technique de l’arbitrage se gargarise avec Clément Turpin et Stéphanie Frappart », note un ancien arbitre de la Fédération. Il se murmure même que l'arbitre francilienne pourrait découvrir la Ligue 1 dans un avenir proche. La Ligue 1 n’est pas au mieux après les retraites récentes de Stéphane Lannoy, Lionel Jaffredo ou encore Saïd Ennjimi. Ce dernier, dans un dossier paru récemment dans France Football dénonce les méthodes de la Direction Technique de l’arbitrage et estime « militarisée la ligne française » de Pascal Garibian. L’actuel président de la Ligue Nouvelle-Aquitaine et consultant pour le groupe L’Equipe fustige également la professionnalisation de l’arbitrage : « consacrer 100% de son temps à l’arbitrage est sans doute une évolution logique, mais cela coupe de la vie réelle. Cloîtrer des garçons plus de vingt semaines par an à Clairefontaine est une ânerie ». Depuis son arrivée sur L’Equipe 21, l’ancien arbitre limougeaud monte en puissance au fil des semaines. Son ton dérange. « C’est le début des grandes manœuvres pour les élections fédérales de 2020. Ennjimi aura un rôle à jouer », pense un ancien arbitre assistant international.

 

Un membre du Comex critique la gestion de la DTA

 

sans-titre.png

 

Jean-Michel Aulas (source photo : www.rmcsport.bfmtv.com)

 

Semaine après semaine, les arbitres tricolores tapent toujours un peu plus dans le mur. Dimanche dernier, Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais mais surtout membre du comité exécutif de la FFF regrettait la désignation de François Letexier, qui accordait un pénalty imaginaire aux bordelais lors de la réception de Lyon. « C’est un bon arbitre, un jeune qui a de l’avenir devant lui. Mais compte tenu de l’affaire Mariano, c’était une mauvaise idée de le nommer, ça le mettait dans une situation psychologique extrêmement fragile. La Direction Technique de l’arbitrage est grandement responsable ». Si certaines déclarations et prises de positions du président lyonnais peuvent prêter à discussion, force est d’admettre qu’il avait raison sur ce coup. La désignation de l’arbitre breton sur ce match très médiatisé de la Ligue 1 résume à elle seule la gestion désastreuse de la DTA. Quatre jours avant ce Bordeaux/Lyon, la commission de discipline de la LFP décidait de ne pas sanctionner le lyonnais Mariano, qui avait fait l’objet d’un rapport par…François Letexier, arbitre du Toulouse/Lyon sur lequel un pénalty inexistant avait été accordé à l’OL. Bombardé de matchs à forte résonance médiatique tels que Monaco/PSG, St-Etienne/Nantes, Monaco/Nice et donc Bordeaux/Lyon, la Direction Technique de l’arbitrage est-elle en train de commettre les mêmes erreurs avec Letexier qu’avec Turpin ? Alors qu’elle procédait à plusieurs promotions accélérées depuis deux ans, les instances arbitrales ont préféré dire stop, maintenant seulement les accessions d’arbitres assistants. « La DTA commet les mêmes erreurs qu’il y a quelques années. Elle a fait face à un désaveu complet avec les Thual, Rainville et Gautier. Letexier, qui doit acquérir de la maturité se retrouve dans l’excès de confiance. Ce n’est pas lui rendre service », juge Éric Castellani, ancien arbitre assistant international.

 

La fusion des Ligues divise

 

Autre sujet qui cristallise de nombreuses tensions, la fusion des ligues régionales redécoupées à la tronçonneuse rose sous le quinquennat Hollande. Plusieurs exemples mettent à mal les méthodes utilisées par les instances pour placer leurs amis. Dans la Ligue du Grand-Est, Benoit Bastien, qui occupait le poste de conseiller technique régional en arbitrage depuis février 2014 a préféré jeter l’éponge et a présenté sa démission à Albert Gemmrich, président de la Ligue en septembre dernier. L’arbitre vosgien devait être nommé directeur régional de l’arbitrage. Le fait qu’il cumule sa fonction d’arbitre professionnel et celle de CTRA aurait été un argument suffisant pour le faire partir. « La Ligue perd une personne de grande compétence et de valeur qui ne comptait pas son temps pour l’arbitrage », nous explique un arbitre évoluant au niveau régional en Lorraine. Dans un procès-verbal de la commission régionale d’arbitrage daté du 30 août 2017, Benoit Bastien explique que « c’est sa personne et son rôle qui ont été visés ».  L’intéressé se reconnaîtra.

 

sans-titre.png

 

Nicolas Pottier (sur la gauche) lors d'un match de l'OM (source photo : www.laval.maville.com)

 

Dans la Ligue des Pays de la Loire, l’actualité a également été mouvementée durant l’été dernier. Conseiller technique régional en arbitrage durant huit ans, Nicolas Pottier a lui aussi claqué la porte d’une institution dans laquelle les injustices s’accentuaient jour après jour. Formateur reconnu, celui qui a été l’assistant d’Antony Gautier et de Stéphane Bré notamment est un dénicheur de talents. Jérémy Stinat, Jérôme Brisard et Guillaume Paradis ont pu profiter de ses compétences pour accéder aux championnats nationaux. Considéré comme l'un des successeurs aux Frédéric Arnault, Serge Vallin ou encore Jacques Poudevigne, Nicolas Pottier s'est fait jeter comme un malpropre. Grand professionnel de l'arbitrage, c'est de lui dont aurait besoin le corps des arbitres assistants, considéré comme un sous-produit de l'arbitrage en France.

 

Quatre arbitres suspendus sous l’ère Garibian

 

Mais c’est bien l’affaire Chapron qui a agité le football français ces derniers jours. Suspendu trois mois fermes par la commission de discipline de la LFP suite à son geste spectaculaire lors de Nantes/PSG, le microcosme de l’arbitrage a moyennement apprécié les réactions de Pascal Garibian qui n’avait pas été tendre avec Chapron, l’accusant même de « jeter le discrédit sur l’arbitrage ». Pour Éric Castellani, Tony Chapron « s’est discrédité par son geste. Il est d’ailleurs étonnant qu’il soit resté dans les rangs ». Un livre suivra peut-être un jour. En attendant, il s’agit du quatrième directeur de jeu suspendu depuis l’arrivée de Garibian à la Direction Technique de l’arbitrage après Philippe Kalt, Saïd Ennjimi et Stéphane Lannoy en 2015. « Le vice-président de la Commission Fédérale d’arbitrage qui siège à la commission de discipline de la LFP a certainement dû peser de tout son poids dans la décision finale », note ironiquement un représentant du SAFE, le syndicat des arbitres du football d’élite.

 

Le geste de Tony Chapron révèle avant tout de fortes tensions chez les arbitres de Ligue 1 qui sont enfermés dans des carcans, ne pouvant exprimer leur vraie personnalité. En attendant de pouvoir en sortir, deux camps s'opposent : celui des pros Garibian et ceux qui n'adhèrent pas à la politique de l'actuelle direction. Le mal est profond.

 

Lionel SCHNEIDER



02/02/2018
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi