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"Hammoum a détruit l'arbitrage algérien" - Entretien avec Djamel Haimoudi dans le quotidien Liberté

Ancien arbitre international, Djamel Haimoudi a donné une interview récemment où il pointe du doigt la gestion de l'arbitrage algérien.

 

 

Djamel Haimoudi (source photo : www.liberte-algerie.com)

 

 

Liberté : Le président de la commission fédérale des arbitres vient d’annoncer son retrait définitif de l’arbitrage. Peut-on connaître votre réaction après cette décision ?

 

Djamel Haïmoudi : C’est un non-événement pour moi. D’abord, ce n’est pas un retrait, il ne faut pas tromper les gens, c’est un départ automatique eu égard à la fin du mandat du bureau fédéral, ça c’est pour la précision. Je n’ai pas d’avis à donner sur une personne qui a marginalisé toutes les compétences pour ramener des personnes qui n’ont absolument rien donné à l’arbitrage, pire ils l’ont détruit. Moi, je lui pose la question suivante : Hammoum a-t-il la conscience tranquille vis-à-vis de Haïmoudi ? Je pense, comme tout le monde l’a constaté, que son passage à la tête de la CFA, a été marqué par un dysfonctionnement flagrant qui a fait reculer le niveau de l’arbitrage d’une manière incroyable, il l’a complètement détruit. Chaque semaine, nous assistons médusés à des erreurs récurrentes d’appréciation qui, souvent, ont influé directement sur le résultat final des matchs, d’où cette appréhension des arbitres par les clubs.

 

Justement, vous touchez un point sensible de l’arbitrage. Pourquoi toutes ces erreurs récurrentes d’appréciation, parfois même intentionnelles ?

 

C’est la mauvaise prise en charge des arbitres par la structure qui n’a pas mis les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Pourtant, le président de la FAF a mis beaucoup de moyens à la disposition de la CFA, parfois plus qu’il n’en faut, pour un résultat médiocre, c’est ça le paradoxe. Je suis stupéfait et scandalisé lorsque j’apprends, par Hammoum, que la CFA a organisé beaucoup de séminaires. Qu’a-t-on fait durant ces séminaires ? On n’organise pas des séminaires avec une seule personne qui fait tous les thèmes de l’arbitrage, alors qu’elle est très limitée pédagogiquement et n’a aucune expérience au niveau de l’arbitrage mondial. Il y a beaucoup de compétences qui ont été marginalisées par le président de la CFA. Ce dernier a mis l’arbitrage entre les mains d’une seule personne, les résultats ne peuvent être que catastrophiques. Les erreurs font partie du jeu, mais chez nous, elles sont devenues récurrentes. En outre, la CFA ment aux arbitres, elle les trompe. Lorsqu’un arbitre commet une erreur, il faut le recadrer et lui montrer où il a fauté pour qu’à l’avenir, il ne récidive pas. Il ne faut pas le laisser dans le flou.

 

On a constaté aussi que ce sont toujours les mêmes arbitres qui sont utilisés, Benbraham, Bekouassa, Arab et Boukhalfa, pourquoi d’après-vous ?

 

Là aussi, c’est une grave erreur stratégique, la CFA n’a pas créé la concurrence entre les arbitres. Elle a fait confiance à un groupe d’arbitres qui s’est retrouvé sans concurrents, c’est normal que les autres soient insatisfaits de cette gestion. Certains arbitres que vous avez cités, sont bons, il faut savoir les gérer et leur éviter la pression. Ils ont parlé d’une élite. N’y a-t-il pas d’autres arbitres qui méritent de faire partie de ce cette élite ? L’autre erreur est que la CFA a travaillé sur la quantité et non sur la qualité, ce qui est très grave, car même l’arbitrage a besoin de la qualité pour relever le niveau des rencontres. Cette fonction est la colonne vertébrale du football. Les désignations d’arbitres ne se font pas selon des critères bien définis, mais à la tête du client. Lorsque le président de la CFA transmet un SMS aux arbitres à 3h du matin pour les informer de leur désignation, c’est très grave, comment voulez-vous que l’arbitre soit concentré, qu’il prépare son match, son voyage, sa stratégie ? C’est pour cela que je dis qu’il y a une faillite totale dans la gestion de l’arbitrage. Il faut introduire un code disciplinaire dans le règlement de l’arbitre et de l’arbitrage, c’est une condition primordiale.

 

Le président de la CFA affirme que 5 internationaux se sont retirés et qu’il est difficile de les remplacer…

 

Là aussi, il fabule. Les cinq arbitres se sont retirés progressivement. Belaïd Lacarne avait enlevé en 2001 six internationaux et les a remplacés par Djaballah, Benaïssa, Haïmoudi, deux ans après, l’arbitrage algérien avait retrouvé la CAN-2004 avec Djezzar, puis 2006 Benouza, 2008 moi et Benouza jusqu’au Mondial-2014. Il y avait un travail à court terme qui a porté ses fruits, ce n’est pas le cas aujourd’hui, il n’y a aucune stratégie de travail ni de gestion, c’est la débandade totale, et ce, nonobstant les gros moyens mis par la FAF à la disposition de la CFA. On ne remplace pas un international à  37 ou 38 ans, il faut travailler avec les jeunes de 27 ans pour faire un investissement durable. Il faut, dès à présent, penser au projet de professionnalisation des arbitres avec un groupe de 5 à 10 arbitres âgés de moins de 30 ans, c’est cela l’avenir de l’arbitrage. Comme cela se fait dans le monde, il faut avoir une vision futuriste sur le développement et la formation des arbitres de demain avec des hommes encore en activité, mais pas avec ceux qui ont quitté l’arbitrage il y a vingt ans. Ceux-là ne ramènent rien.

 

Certains évoquent la faiblesse de la composante de la CFA…

 

C’est lui qui a ramené ses collaborateurs et il doit assumer totalement ce choix. Il faut que les gens sachent qu’un arbitre régional ne pourra jamais former un mondialiste. Même un international qui n’a participé à aucune compétition de la CAF ou de la Fifa, ne peut former un arbitre mondialiste.

 

Hammoum affirme qu’il vous a sollicité et qu’il n’a jamais fermé les portes de la CFA...

 

C’est faux ! Il veut tromper l’opinion sportive, il ne m’a jamais sollicité, il a tout fait pour me barrer la route, pourtant, je ne le connais pas, je l’ai rencontré une seule fois lors de la finale de la Coupe d’Algérie MCA-USMA, il était le délégué du match, je n’ai pas compris son acharnement contre moi, je le laisse avec sa conscience. Ailleurs, les mondialistes ont été promus à des postes importants, chez nous, Hammoum les a écartés pour avoir le champ libre.

 

Quel est le profil d’un président de la CFA à l’avenir ?

 

Il faut un homme intègre, honnête et compétent, qu’importe qu’il ait été ancien arbitre ou pas, l’essentiel est qu’il soit autoritaire et respectable afin que les arbitres sentent qu’ils ont affaire à un type qui ne badine pas avec le travail, car le grand problème actuel, c’est la discipline. Il faut que quelqu’un vienne pour rétablir ce qui a été perdu et tous les membres actuels doivent céder leur place à de nouveaux visages pour booster l’arbitrage.

 

Justement, êtes-vous intéressé par le poste de président de la CFA ?

 

Je vais peut-être vous étonner, le poste de président de la CFA ne m’intéresse pas pour le moment, ce poste est politique, moi je suis un technicien qui a suivi une formation de haut niveau à la Fifa avant de participer au Mondial brésilien où j’ai dirigé des matchs dont celui pour la 3e place, Hollande-Brésil. Je veux aider mon pays à la formation des arbitres de demain, avec un modèle moderne, je veux aussi contribuer au développement et à l’organisation technique de l’arbitrage, les séminaires faits à la CAF et à la Fifa m’ont permis d’enrichir mes connaissances quant à la formation et au développement. Si mon pays a besoin de moi, je suis prêt à répondre présent, je dois redonner à l’Algérie ce qu’elle m’a donné. Hélas ! Hammoum m’a fermé les portes de mon pays pour transmettre mon savoir-faire. Plusieurs arbitres m’appellent pour me demander de venir les encadrer, cela me fait mal de vivre tout cela.   

 

Entretien réalisé par : RACHID ABBAD - www.liberte-algerie.com

 

Lionel SCHNEIDER



08/03/2017
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