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L'arbitrage français dans la tourmente

Les erreurs d'arbitrage se multiplient depuis le début de la seconde partie de championnat fragilisant encore un peu les arbitres.  Mais qu'ils se rassurent, Pascal Garibian affirme que tout va bien.

 

 

Bartolomeu Varela, symbole d’une génération de sifflets contestés (source photo : www.girondins.com)

 

Professionnalisation du corps arbitral, embauche de trois salariés supplémentaires, indemnité volontaire de départ pour les arbitres quadragénaires, augmentation des salaires. Les arbitres de l’Hexagone ont changé de statut durant l’été dernier avec le passage au professionnalisme de onze des vingt-deux directeurs de jeu de Ligue 1. La révolution est en marche, entendait-on dans les couloirs. « L’arbitrage français est en progrès constant depuis juillet 2013 », osait même Éric Borghini, le président de la Commission Fédérale des arbitres (CFA) en avril dernier. Les indemnités accordées aux arbitres elles, sont en constante augmentation. Mieux encore, les arbitres âgés entre 43 et 46 ans, suite à un protocole voté par une grande majorité des adhérents du SAFE, le syndicat des arbitres d’élite, repartiront avec une indemnité volontaire de départ à la retraite qui oscillera entre 25 000 et 50 000 €. Sans oublier le pécule de fin de carrière (13900 €) qui permet aux arbitres de repartir avec une belle somme.

 

Les indemnités des arbitres centraux et assistants de Ligue 1

 

Arbitres centraux Elite

128 000 €  net/an

Arbitres centraux non Elite

93 000 € net/an

Arbitres assistants Elite

79 000 € net/an

Arbitres assistants non Elite

57 000 € net/an

 

 

 

 

 

Depuis le début de saison, les déclarations d’après-match sont fréquentes. Les entraîneurs et dirigeants prennent plus facilement la parole tout en se sachant surveillés de près par les instances qui ne permettent pas la liberté d’expression. Ainsi, Frédéric Hantz a été sanctionné de deux matchs de suspension ferme après ses déclarations lors de Lyon/Montpellier. Dimanche, Pascal Dupraz a été refoulé du banc de touche au Parc des Princes par Amaury Delerue. Le même arbitre qui avait expulsé Benjamin Jeannot et Enzo Crivelli en début de saison. Drôle de coïncidence. "C'est incroyable comme le politiquement correct a contaminé les arbitres français", regrettait Pascal Praud récemment dans 20h Foot sur I-Télé. Pas un week-end sans polémique mais Pascal Garibian assure que les relations entre les acteurs et les arbitres sont excellentes. Le Directeur technique de l'arbitrage (DTA) a réuni le 19 janvier l'ensemble des présidents des clubs de Ligue 1 et Ligue 2. Pour vanter son excellent bilan depuis sa prise de fonction en juillet 2013 ? "Ils sont dans l'autosatisfaction permanente", explique un arbitre assistant de Ligue 1 qui préfère garder l'anonymat.

 

La CACNO pour éviter la "cacophonie dans l'arbitrage"

 

Le dossier de l'arbitrage irrite de plus en plus de présidents de clubs. Le 18 mars prochain aura lieu l'élection du président de la Fédération Française de Football. La victoire se décidera entre Noël Le Graët et Jacques Rousselot, les deux principaux candidats. Eric Borghini, qui préside actuellement la commission fédérale des arbitres (CFA) et qui a rejoint l'ancien président de Guingamp en décembre 2011 fera partie de la liste Le Graët mais le dirigeant azuréen pourrait lâcher ses fonctions à la CFA, étant par ailleurs président de la Ligue de Méditerranée et avocat dans le civil. Un nom revient avec insistance pour lui succéder : celui de Pascal Parent, actuel secrétaire de la CFA et ex arbitre assistant Fédéral 1. Car dans les couloirs de la Fédération, l'ambiance est loin d'être au beau fixe au sein de la DTA. Alain Sars et Bertrand Layec ne se parlent toujours pas, le second reprochant au premier ses déclarations dans les médias lorsqu'il était consultant. L'ancien conseiller technique en arbitrage de la Ligue de Bretagne fait la pluie et le beau temps à la DTA, Garibian n'étant qu'un simple exécutant. L'avenir du technicien breton pourrait d'ailleurs se dessiner du côté de l'UEFA où sa côte est élevée auprès de Pierluigi Collina. La décision de créer la CACNO, le cellule d'analyse de cohérence des notes a également surpris. Mais Eric Borghini l'estime nécessaire afin "d'éviter la cacophonie dans l'arbitrage." Deux observateurs ont été priés de revoir le rapport d'un arbitre évalué lors de la première partie de saison. Tous deux ont refusé et pourraient subir les foudres de leur hiérarchie d'ici la fin de la saison.

 

Un mode de fonctionnement amateur

 

C'est aussi le mode de fonctionnement de la DTA qui pose question. Celle-ci a fait preuve ces dernières semaines d'un amateurisme sans précédent. En faisant appel à des arbitres évoluant dans des catégories inférieures sur des rencontres de Ligue 1 et Ligue 2. Ainsi, Hakim Ben En Hadj dirigeait Metz/Montpellier le 21 janvier dernier. L'arbitre grenoblois avait été appelé le matin du match pour remplacer d'urgence Olivier Thual. Ben El Hadj, injustement rétrogradé la saison passée en Ligue 2, avait dû parcourir les plus de 550 kilomètres en voiture pour arriver à Metz peu avant 18h. Pourquoi solliciter un arbitre de la Ligue de Rhône-Alpes alors que l'alsacien Frank Schneider était disponible ? Dimanche, Benoit Millot était l'arbitre de Lyon/Dijon en Ligue 1. 48h plus tard, il est désigné par l'UEFA sur un 1/8ème de finale de Youth League à Madrid. Le 28 janvier dernier, Karim Abed dirigeait le match retour entre Angers et Metz après en avoir déjà arbitré l'aller. Lors de sa réunion le 19 janvier avec les présidents des clubs professionnels, la DTA expliquait qu'un arbitre ne pouvait être désigné sur l'aller et le retour sauf contrainte. Les messins n'avaient pas été vernis avec notamment l'expulsion injustifiée de Renaud Cohade. Comment est-ce possible ?

 

Des tensions en interne

 

 

 

Certaines affaires sont curieusement passées inaperçues durant l’été dernier. Des observateurs ont été évincés à l’image de Jacky Legrain (photo ci-dessus), non reconduit dans ses fonctions après seize années à parcourir les terrains de l’Hexagone. Pourquoi ? La commission fédérale des arbitres lui a signifié qu’un dossier à charge était retenu contre lui. Surtout, l’ancien arbitre fédéral 2 bas-normand était dans le collimateur d'un membre influent de la DTA en charge des désignations et qui a obtenu sa tête auprès de Pascal Garibian. Bruno Faye, membre de la cellule vidéo a lui aussi été écarté. Certaines vérités ne sont pas bonnes à dire et à entendre. Ces deux observateurs en savent quelque chose.

 

"Soyons clairs, nous ne servons plus à grand-chose"

 

Au sein du corps des contrôleurs des arbitres de Ligue 1, certains ont exprimé leurs désaccords à l’occasion du stage des arbitres fédéraux 1 en juillet dernier. Éric Poulat a quitté la salle de colère lors de la présentation du nouveau mode d’évaluation. « Soyons clairs : nous ne servons plus à grand-chose. Le classement est fait par trois ou quatre personnes en haut de la pyramide », nous expliquait un contrôleur de la DTA qui regrette également le manque de considération financière à l’égard des observateurs qui parcourent chaque semaine plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre dans les stades et qui bénéficient d’une (faible) indemnité de déplacement. Certains pourraient carrément quitter leurs fonctions en fin de saison. Début janvier, trois observateurs ont carrément boycotté le stage d'hiver des contrôleurs : Eric Poulat, Philippe Malige et Bruno Coué n'étaient pas présents. "Certains arbitres sont promus par leur ligue plus que par leur valeur", glisse le président d'un club de Ligue 2.

 

Un seul français dans le groupe élite

 

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Ruddy Buquet (source photo : www.sofoot.com)

 

Une question agite le milieu depuis plusieurs mois. Quand Ruddy Buquet sera-t-il promu dans le groupe élite de l'UEFA ? Le 8 décembre dernier, la commission des arbitres de l'UEFA n'a procédé à aucune promotion ni rétrogradation entre le groupe 1 et le groupe élite. L'arbitre picard a fêté ses 40 ans récemment et la possibilité de rejoindre le gotha des meilleurs sifflets européens s'éloigne de plus en plus. Le vosgien Benoit Bastien semble bien mieux placé. A seulement 33 ans, il est peut-être le seul à pouvoir venir contrarier Clément Turpin dans les années à venir. Pierluigi Collina, le patron des arbitres à l'UEFA s'intéresse de près à ce surdoué du sifflet. Plusieurs observateurs influents sont venus voir le lorrain à l'œuvre ces derniers mois comme le russe Nikolai Levnikov, le slovaque Josef Marko, le belge Frank De Bleeckere ou encore le danois Peter Mikkelsen plus récemment. En juin prochain aura lieu le championnat d'Europe espoirs en Pologne. Qui de Buquet ou de Bastien représentera l'arbitrage français qui bénéficiera d'un boulevard sachant que les Bleuets ne se sont pas qualifiés pour le tournoi ? Lors de l'édition 2015, sur les six directeurs de jeu retenus, quatre avaient été promus en catégorie élite dont Clément Turpin. L'opportunité donc, si les prestations arbitrales sont convaincantes de compter un second représentant tricolore en top liste. Mais l'Euro U21 ne sera pas la seule compétition cette année. Du 20 mai au 11 juin aura lieu la Coupe du Monde des U20 en Corée du Sud suivie de la coupe des Confédérations (17 juin-2 juillet) en Russie, du Mondial U17 (6-28 octobre) en Inde et enfin de la Coupe du Monde des clubs (6-16 décembre) aux Emirats Arabes Unis. Des tournois décisifs pour la sélection finale en vue du Mondial 2018.

 

L'année 2017 marquera donc un virage important pour le corps arbitral français qui saura dans un an si Clément Turpin est retenu pour le Mondial 2018. La sélection sera rude et certaines rumeurs évoquent une liste de neuf trios européens. Comme souvent, les considérations politiques vont faire la différence. Plus inquiétant encore, la France a disparu des instances de la FIFA. Le conseil de la FIFA est dépourvu de représentant tricolore tout comme la très puissante commission d'arbitrage désormais présidée par Pierluigi Collina. Massimo Busacca, le patron du département arbitrage de la FIFA arrivé aux affaires en 2011 joue gros après les polémiques ayant eu lieu durant la Coupe du Monde 2014. Du 3 au 7 avril prochain, Turpin participera à un séminaire organisé par la FIFA à Florence en Italie. Ses deux premiers grands tournois (Euro et JO) n'ont pas été à la hauteur des espoirs placés en lui. A chaque fois, Turpin quittait la compétition après le premier tour.

 

Gautier toujours international

 

Antony Gautier n'est pas suspendu mais on pourrait le croire. Où est donc passé l'arbitre nordiste sur la scène européenne ? International depuis 2010, le nordiste n'a plus été appelé par l'UEFA depuis le mois d'août 2015 et une rencontre qualificative pour l'Europa League entre le Vitoria Guimarães et le club autrichien d'Altach. Depuis, plus rien. L'adjoint aux sports de Martine Aubry à Lille a tout simplement demandé à Pascal Garibian de ne plus être désigné par l'UEFA. Son écusson lui sera vraisemblablement retiré en septembre 2017 pour permettre à Karim Abed, 28 ans d'être proposé sur la liste FIFA. Au rayon des promotions ayant été validées par la FIFA, on retrouve celle de Cyril Mugnier, en Ligue 1 depuis seulement juillet 2016. L'assistant de François Letexier a profité du retrait de Laurent Stien, blessé depuis le début de saison.

 

Silence, on coule.

 

Lionel SCHNEIDER



20/02/2017
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